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DIALECTIQUE

être doit-elle un jour devenir le premier pas vers un perfectionnement que l’art de raisonner et de discuter semble encore attendre ».

À l’époque où Condorcet écrivait ceci, il y avait déjà plus d’un demi-siècle que la dialectique d’Aristote, enseignée pourtant encore dans quelques établissemens gothiques, était tombée, parmi les gens du bon ton, dans le discrédit le plus complet, et le petit nombre des partisans qu’alors elle pouvait encore compter, l’entendaient eux-mêmes assez mal, comme on en peut juger par ce que la plupart en ont écrit.

Mais, par l’effet de l’une des fluctuations si fréquentes dans les opinions des hommes, cette même dialectique a semblé, dans ces derniers temps, avoir repris un peu de faveur ; non pas probablement parce que les principes en sont sains, et encore moins sans doute parce que Condorcet en a parlé d’une manière assez favorable ; mais apparemment parce qu’elle s’enseignait au bon temps passé, et que, depuis plusieurs années, Retour aux vieilles doctrines est le cri de ralliement d’un certain public[1].

Entraîné, dans ces circonstances, à faire des cours de logique dans une école publique, j’ai dû répugner d’autant moins à me prêter au goût qui commençait à se manifester de nouveau en

    laquelle on a vainement cherché à masquer, sous la sévérité des formes, le vide absolu du fond. Il est, au surplus, fort douteux que la manie d’Analise des facultés de l’ame qui, depuis plusieurs années, tourmente certains adeptes en France, doive produire des fruits beaucoup plus précieux. Ils prétendent avoir découvert que penser c’est sentir ; mais, en admettant même qu’il y ait à quelque chose de plus qu’une extension nouvelle et arbitraire donnée à la signification du mot sentir, on ne conçoit pas trop quel parti peut tirer de cette maxime, celui qui se trouve arrêté dans quelque recherche un peu épineuse. il en est à peu près de nos facultés intellectuelles comme de nos facultés physiques ; elles se perfectionnent beaucoup moins par l’analise que par l’exercice.

  1. Il y a eu un temps, en France, où il suffisait à une doctrine d’être nouvelle, pour être favorablement accueillie : aujourd’hui c’est tout le contraire. On avait certes grand tort alors ; mais a-t-on moins tort aujourd’hui ?