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SYNONYMIE

fois, de vouloir prédire l’avenir ; ce qui, à la rigueur, ne serait pas impossible ; il pourra prendre de nouveau aux princes la fantaisie d’avoir leurs mathématiciens ; mais on ne saurait être le géomètre de personne,

§. II.
Fort, Habile.

Quel est le plus fort de Lagrange ou de Laplace, me demandait il y a quelques années, un homme de lettres, purement homme de lettres ? ⎼ J’étais fort tenté de lui demander, à mon tour, qui avait été le plus fort de Corneille ou de Racine, de Charron ou de Montaigne, de Larochefoucault ou de Labruyère, de Massillon ou de Bourdaloue, de l’Hôpital ou de Daguesseau, de Cochin ou de Patru, de Buffon ou de Viq-d’Azir, de Montesquieu ou de Rousseau ; il aurait sans doute pris ma riposte pour une mauvaise plaisanterie ; et pourtant je n’aurais eu là aucun tort dont il ne m’eût donné le premier l’exemple.

On est fort dans un art où le succès est bien plutôt dû à un long exercice ou à une certaine aptitude corporelle qu’aux qualités de l’esprit ; on est habile dans une science ou, au contraire, la supériorité tient beaucoup moins à l’habitude qu’elle n’est le fruit de la méditation et d’une disposition spéciale de l’entendement.

On dit très-bien, à la vérité, d’un étudiant qu’il est plus fort qu’aucun de ces condisciples ; et cela, quel que soit d’ailleurs le genre d’étude auquel il se livre ; mais ceci, loin de déroger à la règle, semble bien plutôt la confirmer. On ne s’exprime ainsi, en effet, que parce qu’on suppose que celui dont on parle a le jugement trop peu mûr encore pour être en état de penser de lui même ; et que tout son travail a dû simplement se réduire à se rendre familières les choses qui lui ont été enseignées, telles qu’on les