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THÉORIE

sûr d’indisposer contre lui une multitude de gens qui jamais ne consentiraient à faire usage d’un mot ainsi créé.

C’est l’habitude constante où nous sommes de dériver ainsi les mots des langues plus modernes de ceux des langues qui le sont moins qui a donné naissance à la science des Étymologies, à laquelle, faute de l’avoir envisagée sous son véritable point de vue, on a peut-être attaché beaucoup trop d’importance. On a voulu, en particulier, en faire une sorte de supplément aux définitions ; et des gens plus érudits que judicieux n’ont pas même paru très-éloignés de croire que l’on ne pouvait bien posséder une science sans connaître les langues d’où elle a emprunté les termes qui lui sont propres[1].

Nous conviendrons très-volontiers que c’est une recherche à la fois curieuse et utile que celle de la filiation, des mutations et

  1. C’est, par exemple, une opinion très-répandue que celle de l’utilité de l’étude de la langue grecque, comme préliminaire de celle de la médecine ; et on en donne pour raison le grand nombre des mots que cette science a empruntés à la langue d’Hypocrate ; mais, outre qu’une centaine d’origines grecques au plus serait peut-être suffisante pour la parfaite intelligence de tous les mots employés en médecine, et pourrait être bien connue en moins d’une semaine ; ne pourrait-on pas suppléer même à la connaissance de ces origines par des définitions précises ? Si l’on considère que presque tous les bons ouvrages grecs et latins sur la médecine ont été traduits dans nos langues ; et qu’ici le mérite du style est d’une importance assez mince, on verra que tout le fruit qu’un médecin peut se promettre de l’étude des langues mortes se réduit ou à pouvoir lire dans ces langues quelques ouvrages insignifians, qui n’ont pas paru dignes des honneurs de la traduction, et que les écrits des modernes ont laissés bien loin derrière eux ; ou bien à savoir débiter, en présence des femmes qui entourent le lit d’un malade, quelques aphorismes qu’ils entendent à peine ; mais à l’aide desquels ils se donnent une sorte d’importance aux yeux des sots. L’étude des langues vivantes leur serait d’un tout autre secours : elle les mettrait en possession des progrès que l’art de guérir fait journellement dans l’Europe entière. Mais ceci ne ferait point l’affaire des pédans de colléges qui, pour la plupart, sont tout-à-fait étrangers à ces langues.