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THÉORIE

Cette divergence d’opinions, indice irrécusable de l’imperfection de nos lumières, ne se montre en aucune part d’une manière plus frappante qu’en ce qui concerne les définitions. Les géomètres de tous les temps y ont attaché le plus grand prix et la plus haute importance : Platon regardait, dit-on, celui qui savait bien définir, comme participant de l’intelligence divine ; et Pascal n’a pas hésité à regarder l’impossibilité où nous sommes de tout définir, comme la source unique de l’incertitude de nos connaissances.

Locke a professé une doctrine à peu près pareille, touchant les définitions ; et cependant, une secte philosophique, sortie de son école, a voulu, dans ces derniers temps, les frapper d’une sorte de proscription, les a signalées, non seulement comme tout-à-fait inutiles, mais même comme d’un usage extrêmement dangereux ; et beaucoup de gens aujourd’hui ont adopté et professent hautement cette doctrine.

Ce n’est pas tout encore : parmi les philosophes qui ont admis la nécessité ou du moins l’utilité des définitions, les uns, comme Aristote et toute son école, ont prescrit de définir par le genre et la différence ; tandis qu’au contraire, d’autres, comme Locke, ont prétendu que cette manière de définir n’était pas toujours nécessaire ni même toujours possible. Enfin, tandis qu’Aristote distingue des définitions de choses, sujettes à être contestées, et qui doivent conséquemment être appuyées d’une démonstration, et des définitions de noms, qui doivent être admises comme des axiomes, et placées au même rang qu’eux dans la pratique du raisonnement ; d’autres philosophes, comme Pascal, Hobbes et Locke, semblent n’en avoir reconnu que de la dernière sorte ; et d’Alembert, prenant un parti mitoyen, admet des définitions qui, dit-il, sont un peu moins que des définitions de choses, mais cependant un peu plus que de simples définitions de noms.

Il y aurait sans doute beaucoup d’orgueil à prétendre dire encore aujourd’hui quelque chose de neuf sur un sujet tant et si long-temps débattu ; mais, de même que le rapporteur dans une affaire contentieuse peut souvent, avec des lumières d’ailleurs très-bornées, résumer et balancer les opinions, de manière à répandre plus de