Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1818-1819, Tome 9.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
THÉORIE
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

sciences, quoiqu’ils soient, pour la plupart, des noms communs, ne sont guères familiers qu’à ceux par qui ces arts et ces sciences sont cultivés.

Ainsi, bien que les noms individuels soient extrêmement nombreux, ils sont, à l’égard de chacun de nous en particulier, comme s’ils étaient en petit nombre, attendu que chacun de nous n’en a besoin, pour son usage, que d’un nombre assez limité ; et voilà comment, dans le langage, on emploie incomparablement plus de noms communs que de noms propres, quoiqu’il puisse très-bien se faire que les derniers soient beaucoup plus nombreux que les premiers. Quoiqu’il en soit, on sent qu’il existe et qu’il existera toujours une multitude innombrable d’objets dépourvus de noms individuels ; qu’il serait d’autant plus difficile de les nommer tous qu’il est impossible de les tous connaître ; et qu’on sera d’autant moins sollicité à le faire qu’on n’en pourrait retirer aucun avantage réel. Ainsi, tandis que les étoiles du ciel, du moins celles que nous pouvons apercevoir, ont toutes reçu des noms, il est très-probable que les arbres de nos forêts et les animaux qui les habitent ne seront jamais honorés d’une pareille distinction.

De même qu’on a inventé des mots pour désigner collectivement des objets qui se ressemblaient à certains égards, on en a inventé également pour nommer des collections de groupes ayant aussi entre eux quelques points de ressemblance ; on en a inventé encore pour réunir, par des propriétés communes, plusieurs de ces collections de groupes, et ainsi de suite ; jusque-là qu’on est enfin parvenu, d’abstraction en abstraction, à un mot unique comprenant universellement dans sa signification tous les objets de nos pensées : c’est le mot être dans notre langue.

Les premiers inventeurs de langues, c’est-à-dire, les premières réunions d’hommes, ont donc fait par instinct ce que postérieurement les naturalistes ont fait par un dessein réfléchi, c’est-à-dire que, pour éluder la difficulté, ou, pour mieux dire, l’impossibilité des noms, tous les objets qui affectaient ou pouvaient