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DE LA LANGUE

PHILOSOPHIE MATHÉMATIQUE.

Dissertation sur la langue des sciences en général,
et en particulier sur la langue des mathématiques ;

Par un Abonné.
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Sans admettre, avec Condillac, que toute science se réduise uniquement à une langue bien faite, on ne saurait pourtant, sans fermer les yeux à l’évidence la plus manifeste, méconnaître la toute-puissante influence des signes sur les idées, des langues sur les opérations de l’intelligence ; et même, si quelque chose a lieu de surprendre, c’est que cette influence ait été si long-temps inaperçue ; c’est que l’on ait tant tardé à découvrir que le langage n’est pas moins l’instrument que le signe de la pensée ; c’est, en un mot, qu’une vérité de cet ordre, dont les preuves se manifestent sans cesse en mille façons diverses à l’esprit le moins attentif, et dont les conséquences sont si nombreuses et si importantes, ait pourtant échappé, pendant deux mille ans, à la sagacité de tant d’hommes voués par goût ou par état à l’étude des langues et de la métaphysique ; de telle sorte que ce soit là, pour ainsi dire, une découverte faite sous nos yeux.

Tant que les langues n’ont été envisagées que comme un moyen de communication ou de rappel de nos pensées et de celles d’autrui ; aussi long-temps qu’on a pu méconnaître le service le plus signalé peut-être de tous ceux que nous en retirons, on a pu croire que le choix des signes de nos idées était une chose d’elle-même assez