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DES SCIENCES.

indifférente ; mais du moment que, pour me servir de l’ingénieuse expression d’Euler, on eut reconnu que l’usage des langues facilite notre adresse à penser, on dut songer dès-lors qu’il devait en être à peu près ici comme dans les arts mécaniques, où l’excellence des outils contribue puissamment à la prompte exécution et à la perfection de l’ouvrage.

La conséquence toute naturelle de cette considération semblerait avoir dû être une refonte générale de nos systèmes de signes ; et il en aurait sans doute été ainsi, sans l’attachement que nous conservons tous pour des habitudes depuis long-temps enracinées, et cette répugnance, aussi peu fondée, peut-être qu’elle est invincible, qui nous porte à repousser tous les signes absolument nouveaux, et à ne tolérer la mise en circulation que de ceux-là seulement qui se rattachent par des analogies plus ou moins prochaines, plus ou moins étroites, à d’autres signes universellement employés ; en quoi nous ne ressemblons pas mal à un homme qui s’obstinerait à ne vouloir employer que de vieux matériaux dans des constructions nouvelles : moyen certain de n’obtenir que des résultats défectueux. Aussi, si l’on en excepte peut-être la langue de la chimie qui, depuis trente ans qu’on y travaille, est pourtant loin encore d’être à l’abri de toute critique, nos langues sont demeurées, du moins quant au matériel, à peu près ce qu’elles étaient, dans le temps où on ne les considérait simplement que comme moyen de rappeler et de communiquer la pensée ; et Condillac lui-même, bien qu’il se soit peut-être exagéré l’importance des langues, s’est presque uniquement borné à fixer et a circonscrire, autrement qu’on ne l’avait fait avant lui, la signification de certains mots, sans songer, en aucune sorte, à introduire ou même à proposer le changement le plus léger dans les élémens radicaux dont ces mots se composent ; soit qu’il ne pensât pas qu’un tel changement pût être de quelque utilité, soit plutôt qu’il sentît que des réformes de cette nature rencontreraient des adversaires trop nombreux et trop puissans.

Il y a déjà plusieurs années que la première de nos sociétés