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DE LA LANGUE

leur origine, ont dû rencontrer un très-grand nombre d’opposans et des résistances plus ou moins vives. Je pourrais observer enfin que souvent il faut montrer bien des fois aux hommes la nécessité de certaines réformes, avant de les déterminer à les adopter ; et qu’alors même c’est hâter l’époque de leur adoption que de leur mettre une fois de plus cette nécessité sous les yeux ; mais, je le répète, je n’ai pas plus la prétention que l’espoir d’opérer une révolution, ni même d’en préparer une dans l’avenir ; et je m’estimerai même fort heureux, si le peu que j’ose hasarder, sur le sujet qui m’occupe, n’indispose pas une multitude de gens contre moi.

Mais les contrariétés même que je pourrai éprouver, les répugnances qui me seront opposées, ne seront peut-être pas sans quelque utile résultat. Il n’arrive que trop souvent, en effet, que, lorsque la langue d’une science nous est devenue tout-à-fait familière, et que nous avons entièrement perdu de vue ce qui nous en a coûté de peine pour la bien connaître, nous sommes disposés à prendre de l’humeur contre ceux qui étudient cette langue, et à accuser leur intelligence, lorsqu’ils rencontrent quelques difficultés dans leurs études. Mais, en considérant combien nous aurions nous-mêmes de peine à nous familiariser avec l’usage de quelques signes nouveaux, choisis d’ailleurs de la manière la plus naturelle, nous nous sentirons portés à plus d’indulgence envers des jeunes-gens pour qui les notations qu’un long usage nous a rendues familières sont tout aussi nouvelles, sans qu’elles leur présentent un ensemble aussi méthodique ; et cette bienveillante indulgence est une disposition de l’âme qu’en particulier ceux qui se dévouent à l’enseignement ne sauraient trop s’appliquer à acquérir.

Les langues, considérées sous le point de vue le plus général, sont l’ensemble des signes dont nous faisons usage, soit pour conserver en dépôt nos propres pensées et celles d’autrui, soit pour les communiquer à nos semblables, soit enfin pour nous aider mêmes à penser.