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Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/339

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être, les mêmes altérations que toutes les autres ont tour à tour éprouvées.

Le besoin d’une communication prompte d’idées et de sentimens, entre les hommes qui habitent une même contrée, a fait créer les langues parlées ; on a trouvé ensuite, dans les langues écrites, le moyen de correspondre à toutes distances, sans déplacement, de mettre en dépôt ses propres pensées et celles d’autrui, de manière à pouvoir les conserver sans altération, les retrouver à volonté, et se mettre ainsi à l’abri des erreurs auxquelles pourrait nous exposer l’infidélité de nos souvenirs. Mais le plus grand service, peut-être, que nous retirions des langues, soit parlées, soit écrites, service qui pourtant n’a été bien aperçu que dans des temps très-voisins de nous, consiste en ce qu’elles ne sont pas moins l’instrument que le signe de la pensée ; de telle sorte qu’elles ne seraient pas moins nécessaires à l’homme isolé, pour perfectionner son intelligence, qu’elles le sont à l’homme vivant en société, pour entrer en communication d’idées avec tout ce qui l’environne ; or, de même qu’un artiste exécute des ouvrages d’autant plus beaux et les exécute d’autant plus facilement qu’il est pourvu d’outils plus parfaits, on peut dire, avec tout autant de vérité, que le progrès plus ou moins rapide de l’esprit humain se trouve dans la plus étroite liaison avec la plus ou moins grande perfection des langues dont les hommes emprunteront le secours dans la recherche des vérités nombreuses qui sont encore à découvrir.

Les hommes même qui sentent le mieux toute l’influence des signes sur les idées ne sauraient guère perfectionner les langues vulgaires, livrées comme elles le sont au caprice de la multitude ; ils ne pourraient davantage tenter des réformes de quelque importance dans la langue des sciences, sans s’exposer à indisposer contre eux tous ceux dont ces réformes contrarieraient les habitudes ; mais il n’en importe pas moins de noter soigneusement,