dans la langue de chaque science, ce qui mérite d’être conservé et ce qui, au contraire, pourrait réclamer d’utiles modifications, ne fusse que pour préparer, de longue main, les esprits à ces modificaûons et pour hâter ainsi l’époque où le progrès de la raison pourra permettre de les introduire.
Ce serait peut-être ici le lieu de poser quelques principes fixes sur ce qui, en général, constitue la perfection des langues ; mais des principes purement abstraits pourraient ne pas captiver suffisamment l’attention du lecteur, ou du moins ne îui présenter qu’un attrait médiocre ; nous croyons donc plus convenable de ne les lui offrir qu’à mesure que nous aurons l’occasion de lui en faire sentir l’importance, par leur application à lVojet spécial de nos recherches.
Revenons donc à notre sujet ; rappelons-nous qu’il s’agit de créer une langue particulière pour les nombres, c’est-à-dire d’inventer des signes propres à nommer et à écrire uniformément tous les nombres naturels dont la série est illimitée. C’est à cet art qu’on a donné le nom de numération. La numération devra donc comprendre deux parties bien distinctes, savoir : la numération écrite ou l’art de peindre les nombres aux yeux par les signes permanens de l’écriture, et la numération parlée ou l’art de rappeler les nombres à l’oreille par les signes fugitifs de la voix.
On conçoit d’ailleurs que ce double but peut être atteint par divers ensembles de moyens plus ou moins heureux, plus ou moins convenablement appropriés à leur destination. Ainsi, les Grecs avaient leur numération, les Romains avaient aussi la leur, et ni l’une ni l’autre ne ressemblaient à la nôtre. En conséquence on a appelé système de numération, tout ensemble de moyens imaginés pour peindre et nommer tous les nombres ; et c’est dans ce sens qu’on dit qu’il est possible de concevoir plusieurs systèmes de numération, comme nous avons plusieurs langues vulgaires. Dans chacun d’eux les caractères, autres que ceux de l’écriture