Page:Annales de pomologie belge et étrangère - 5.djvu/11

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température de la Belgique, ce qui est très-problématique, il faut bien admettre qu’il peut y avoir certains avantages, fondés sur l’expérience, à imiter les anciens habitants de notre pays.

L’existence de nombreux vignobles en Belgique, il y a quelques siècles, s’explique assez naturellement ; le pays était couvert d’abbayes, de prieurés et de corporations religieuses ; un nombreux clergé comptait au premier rang de ses besoins, le vin nécessaire aux cérémonies du culte ; la difficulté d’en faire venir de l’étranger était grande, à cause du défaut de bonnes voies de communications, du peu de sécurité des routes, et des guerres continuelles entre les petits souverains et les chefs féodaux. Le mérite du vin récolté importait peu pour l’usage de l’église, l’essentiel était de s’en procurer et de l’avoir pur.

C’est probablement en raison de ces besoins que des vignobles avaient été plantés dans un grand nombre de localités, et surtout dans le voisinage des monastères. De nos jours, les seuls vignobles de quelque importance qui existent en Belgique, occupent sur la rive gauche de la Meuse une partie des collines qui bordent ce fleuve, entre Liége, Huy, Namur et Dinant. Dans certaines années exceptionnelles, lorsque la température de l’été et de l’automne a été favorable, les vins n’y manquent pas de qualité, ils ont alors une valeur commerciale très-réelle ; malheureusement ces années sont rares, et les vins de la Meuse sont habituellement fort médiocres.

Avant l’invasion de l’oïdium de la vigne dans le midi de l’Europe, l’abondance et le bas prix des vins étrangers amenèrent une telle dépréciation dans la valeur de nos vins indigènes, que déjà les cultivateurs commençaient à arracher leurs ceps, lorsqu’il y a cinq ou six ans un fait nouveau se produisit, qui paraît devoir exercer une influence décisive sur l’avenir des vignobles de la Meuse.

Quelques hommes entreprenants et judicieux crurent avec raison que l’art peut parfois venir au secours de la nature, et que des vins médiocres, travaillés en mousseux, deviendraient acceptables dans une certaine mesure. Le succès de leur entreprise a dépassé toute attente, leurs produits, déjà très-recherchés, tant pour l’intérieur que pour l’exportation, s’améliorent d’année en année ; les vignerons ont vu doubler le prix moyen de leurs récoltes, et cette branche de l’agriculture belge a maintenant un bel avenir.

Ces considérations nous ont engagé à décrire dans ces Annales les raisins cultivés dans les vignobles de notre pays. D’après la tradition, leurs variétés ont été importées autrefois de la Bourgogne : ce sont les mêmes Pineaux qui produisent les vins célèbres de la Côte-d’Or ; s’il avait pu nous rester quelques doutes à ce sujet, ils eussent été levés dans une occasion récente.

Au mois d’octobre 1856, une exposition provinciale des produits de l’horticulture eut lieu à Namur. M. Gillard, l’un des principaux viticulteurs de Huy, exposa non-seulement ses vins mousseux, mais aussi des spécimens des raisins qui servent à leur fabrication : par une heureuse coïncidence, M. le comte Liger-Belair, propriétaire à Vosne, département de la Côte-d’Or, nous envoyait en même temps une caisse de raisins récoltés dans ses domaines de la Romanée et Tache, consistant en Pineau noir, blanc et rose. Un examen attentif de ces fruits et de ceux récoltés à Huy nous fit reconnaître leur parfaite identité.

Il serait difficile de déterminer l’origine de ces variétés précieuses du Vitis vinifera, et l’époque de leur introduction en Bourgogne ou en Belgique. Avant la conquête des Gaules par les Romains, la vigne était déjà cultivée dans les régions du centre de la France, notamment en Bresse et en Franche-Comté ; ces pays possédaient des variétés spéciales de cépages, qui paraissent être analogues à celles qui y existent encore aujourd’hui, et ne peuvent être venues des pays plus méridionaux, où ces cépages n’ont jamais bien réussi.

Columelle, qui écrivait son Traité d’agriculture vers l’an 40 de l’ère chrétienne, décrit la culture de la vigne d’une manière qui diffère peu des méthodes de nos jours ; au nombre des divers cépages qu’il