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Depuis la mort du réformateur Tsong-khapa, — fondateur du système religieux connu sous le nom de Lamaïsme, dont le successeur Dgédoun-sgroub prit le premier le titre de Rgyal-ba-Rinpotché, ou Dalaï-Lama, — jusqu’en 1640, les Dalaï-Lama paraissent avoir habité de préférence les monastères de Galdan Dgal-ldan, et Tachilhounpo (Bkra-chis-lhoun-po) et être restés en assez bonne intelligence avec les chefs du pays, malgré l’appui que certains d’entre eux prêtaient à la secte dissidente des Lamas rouges[1]. Mais, vers l’époque que nous venons d’indiquer, le cinquième Dalaï-lama, Ngavang Lobzang (Ngag-dbang-blo-bzang-rgya-mts’o), qui transporta définitivement le siège de la papauté bouddhique à Lhasa dans le palais-monastère de Potala, se prit de querelle avec un roi du Tibet oriental, nommé Tsang-ba-rgyal-bo-karma-dandjong-wang-po[2], pour des motifs que nous ignorons, mais auxquels — étant donné le caractère du pontife — l’intolérance et l’ambition ne devaient pas être étrangères. Ce prince, que les écritures lamaïques représentent naturellement comme un impie et un ennemi de la religion, prit aussitôt les armes et marcha sur Lhasa. Dans sa détresse, Ngavang Lobzang appela à son secours Goutchi-khan, chef des tribus de Mongols Kochots habitant la région du lac Koukounoor, qui vainquit l’envahisseur, s’empara de ses états (et peut-être même d’une grande partie du reste du Tibet) où il semble avoir régné comme vassal du Dalaï-lama[3].

Si cette intervention des Mongols servit les intérêts et la vengeance du Dalaï-lama, elle eut pour le pays le terrible résultat d’ouvrir l’ère de sanglantes guerres civiles

  1. Les Dalaï-Lama sont les chefs de la secte jaune.
  2. Schlagintweit (Bouddhisme au Tibet ; Annales du Musée Guimet, t. III, p. 97) lui donne le titre de roi du Tibet et le fait résider à Digartchi.
  3. Klaproth : Description du Tubet ; Nouv. jour. asiat., t. IV, p. 99. — Selon les récits lamaïques, Tsang-pa aurait fait don de tout le Tibet au Dalaï-lama (Schlagintweit ; Annales du Musée Guimet, t. III, p. 97).