Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/29

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raison est juste quand il s’agit de la situation géographique des deux pays, chacun au centre des ramifications montagneuses de son continent ; elle cesse de l’être, si elle s’applique à la hauteur et à la distribution des montagnes, et surtout à l’aspect général du pays. Autant la Suisse est fraîche et riante dans ses plaines et ses vallées fertiles, autant le Tibet est lugubre et désolé avec ses plateaux hérissés de blocs de pierre arrachés par le froid aux flancs des rochers environnants, couverts de marais salants et parsemés çà et là d’un maigre gazon, avec ses vallons profonds et étroits où l’industrie humaine perd ses efforts à faire pousser quelque chétive moisson d’orge ou de mauvais froment qui mûrira à grand’peine. Les montagnes de la Suisse, bien cultivées à leur base, ceintes à leur zone moyenne de belles forêts et de pâturages verdoyants, sont majestueusement grandioses sous la neige et la glace qui les couronnent ; au Tibet, les montagnes sont des roches dénudées, crevassées par l’extrême froidure, sans aucune trace de végétation, tellement rapprochées les unes des autres qu’il n’existe plus d’horizon et qu’elles semblent être les lames pétrifiées d’un océan en courroux, n’ayant pas même le prestige de leur colossale hauteur, diminuées qu’elles sont de toute l’élévation générale du sol, dont l’altitude dépasse 3,600 mètres[1].

Tout différent est l’aspect des provinces frontières situées sur les gradins occidentaux et méridionaux de l’Himâlaya. Le Boutan, par exemple, présente à la vue la plus agréable variété. Les montagnes, dénudées au sommet, sont couvertes de forêts de la plus grande magnificence, avec, pour arrière plan, dans le lointain, les cimes neigeuses de l’Himâlaya. « Tous les endroits qui ne sont pas à pic et où il se trouve un peu de terre, sont défrichés et mis en culture. On y a construit des gradins pour empêcher les éboulements. Il

  1. Dutreuil de Rhins, Asie Centrale, p. 7.