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1640, le célèbre Nga-vang Lobzang (Ngag-dbang-blo-bzang-rgya-mts’o[1]), cinquième Dala’i-Lama, y transporta le siège de la papauté bouddhique, après avoir renversé le roi du Tibet avec l’aide d’une armée mongole. Sous le règne de l’empereur Khang-hi, en 1722, les Chinois s’emparèrent de Lhasa et rasèrent ses murailles, dont les matériaux furent utilisés à construire une digue de 8 kilomètres de longueur, entre les montagnes de Lang-lou et de Dziag-ri-bidoung, destinée à préserver la ville des ravages fréquents de la rivière. Cette digue, que les Tibétains nomment sacrée, est entretenue au moyen d’une corvée imposée à tous les lamas qui se rendent à Lhasa pour les fêtes du premier mois de l’année. Chacun de ces pèlerins est tenu d’apporter sur la chaussée une charge de terre et de pierres[2].

Vue d’une certaine distance, du haut des montagnes qui la dominent, Lhasa se présente d’une façon féerique, d’autant plus saisissante, sans doute, que le contraste est plus grand avec les régions désolées que le voyageur a parcourues. « Cette multitude d’arbres séculaires qui entourent la ville comme d’une ceinture de feuillage, ces grandes maisons blanches terminées en plate-forme et surmontées de tourelles, ces temples nombreux aux toits dorés, ce Bouddha-La[3], au-dessus duquel s’élève le palais du Talé-Lama[4]…., tout donne à Lhasa un aspect majestueux et imposant[5] ». Seulement, à mesure que l’on en approche, le mirage s’évanouit et fait place à une réalité beaucoup moins attrayante. Des faubourgs remplis, il est vrai, de jardins

  1. mTs’o, « océan, lac ». Le titre honorifique de rGya-mts’o, « Grand océan », est réservé exclusivement aux Dala’i-Lamas.
  2. Klaproth, Description du Tubet, Nouveau Journal Asiatique, t. VI, p. 239.
  3. Potala, colline sur laquelle est construit le palais-monastère du Dala’i-Lama.
  4. On dit habituellement, Dala’i-Lama, l’orthographe réelle de ce nom est Tala’i bLama.
  5. Huc, Voyage en Tartarie et au Thibet, t. II, p. 248.