Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/63

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la population de grandes villes, telles que Lhasa et Tsiamdo ; combien plus grandes peuvent et doivent être les erreurs quand il s’agit de supputer le nombre des individus constituant les hordes nomades qui parcourent, changeant chaque jour de campement, les montagnes et les immenses pâturages du Tibet ? Celles-là seulement sont à peu près connues qui vivent à proximité des villes ; pour les autres, on ne peut en savoir que ce que racontent leurs voisins d’un jour, ou les marchands qui les ont rencontrées par hasard. Peut-être aussi ne s’agit-il que de la partie sédentaire de la population groupée dans les quatre provinces du Tibet proprement dit.

Telle paraît être l’opinion de Dutreuil de Rhins qui propose le chiffre approximatif de 6 millions d’habitants[1] stables auxquels il faudrait ajouter 15 millions de nomades[2].

Ce qui est indiscutable, c’est que le Tibet est fort peu peuplé proportionnellement à son étendue, et que, à ce qu’il semble, sa population tendrait plutôt à décroître qu’à augmenter. Comme causes de cet état de choses, les auteurs européens signalent : la rigueur du climat, la stérilité à peu près générale du sol, la mauvaise administration, l’usure pratiquée par les couvents, le développement exagéré du monachisme, l’immoralité, la défaveur du mariage, la coutume de la polygamie et de la polyandrie, la grande extension de la mendicité et le manque de soins hygiéniques. Il est incontestable que chacune de ces causes peut contribuer dans une certaine mesure à la dépopulation du pays ; mais nous verrons par la suite que les agents les plus actifs du mal dont souffre le Tibet sont les institutions sociales et religieuses, les dernières surtout. Quant à l’imputation d’immoralité portée contre les Tibétains par certains missionnaires, elle ne paraît pas aussi grave qu’ils l’affirment.

  1. Dutreuil de Rhins, Asie Centrale, p. 8.
  2. Id., id., p. 1, note 2.