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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/1014

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HISTOIRE DES IDÉES THÉOSOPHIQUES DANS L’INDE

toutes les armes ; les formules magiques et les sortilèges sont sans puissance sur lui » (ib. 114).

Cette extase, qui a tous les caractères de la catalepsie, est par excellence l’état propre de l’âme : « Il n’y a qu’un germe de création[1] ; il n’y a qu’une mudrā, la khecarī; il n’y a qu’un dieu, celui qui est absolu[2] ; il n’y a qu’un état de l’âme, la manonmanī » (H. Y. Pr. III, 54). C’est elle en effet qui ouvre vraiment l’accès du salut : « Il y a des gens qui se fient à l’enseignement traditionnel, au Véda, à la dialectique. Ils se trompent. Ils ne connaissent pas la voie du salut[3] » (ib. IV, 40).

D. Le salut.

Pouvoirs occultes, guérisons merveilleuses, ineffable sérénité de l’âme, tout cela n’est qu’un avant-goût du salut, le seul fruit du yoga qui soit définitif et absolu. Le yogin y arrive sans secousse et sans nouvel effort par l’évolution naturelle du samādhi, « Quiconque, sain de corps, est, pendant l’état de veille, semblable à un homme qui n’aspire, ni n’expire, à coup sûr il est sauvé » (H. Y. Pr. IV, 112).

« Il est sauvé », cela veut dire d’une part que tout ce qui dépend de la prakṛti n’existe plus pour lui : « il y a retraite des guṇa, désormais vides des buts de l’âme » (Y. S. IV, 32) ; d’autre part, que le puruṣa a reconquis sa nature propre (ibid.) : il est libéré du reflet que projetait sur lui le voisinage des upādhi. Tandis qu’auparavant il était « spiritiforme », cin-mātra-rūpa, il est désormais esprit pur, cinmātra. Comme le Sānkhya, le yoga appelle kaivalya « isolement » cette intégration du puruṣa.

Veut-on savoir ce qu’il faut de temps pour arriver à ce bienheureux résultat ? Quelques textes nous renseignent sur

  1. C’est le praṇava (oṁ) qui est l’unique germe de la création.
  2. Littéralement « sans support », nirālamba: sans upādhi, et sans guṇa.
  3. La « voie du salut », tāraka, est interprétée par le commentaire comme étant la manonmanī.