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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/880

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histoire des idées théosophiques dans l’inde

solue de la douleur en ses trois formes », ainsi s’exprime le premier sûtra ; et la Kârikâ débute de même : « De l’oppression causée par la triple souffrance vient le désir de connaître le moyen de la supprimer. » La même note sert donc de prélude au Sânkhya, comme au Bouddhisme. Mais tandis que celui-ci est tout entier contenu en germe dans l’affirmation de la souffrance et dans la promesse de la guérison, il semble que le Sânkhya resterait encore essentiellement intact, même si on le dégageait tout à fait de ce pessimisme dans lequel nous le trouvons encadré. Il est donc probable que c’est après coup, et sous l’influence d’idées nées en dehors de lui, qu’on lui a assigné comme but, non pas, par exemple, la connaissance du monde et de l’âme et celle de leurs relations réciproques, mais la guérison du mal de vivre.

Il nous est encore plus facile de saisir l’action progressive d’agents extérieurs dans les règles de méthode posées par les documents que nous possédons.

Dans le principe, les procédés recommandés furent certainement ceux d’une dialectique dégagée de tout à-priori théologique. Comme il convient à un système sensualiste, ces procédés rappellent par bien des traits la méthodologie épicurienne. Des deux côtés, nous trouvons une confiance également robuste dans les données fournies par les sens[1], et l’idée que l’intelligence normale procède avec la sûreté d’un mécanisme. À qui objecte qu’il résulte du caractère subjectif de la perception que les intelligences qui perçoivent ne sont pas identiques, l’auteur des sûtra répond ; « De ce que les aveugles ne voient pas, il ne suit pas que ceux qui voient ne perçoivent pas » (1, 156), et son commentateur Vijñânabhikṣu ajoute : « Il n’est pas vrai qu’il

  1. « On ne peut écarter par le raisonnement ce qui a été établi par la perception » (Sānkhya-S. II, 25). — « On ne peut nier ce qui est établi par la perception » (Anir., p. 26). — Ce qui n’est pas directement perceptible ne peut être connu que sur la base d’une perception antérieure. Voir p. ex. Vācasp., ad Kār. 5 et 30.