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histoire des idées théosophiques dans l’inde

Un corollaire de ce principe, c’est qu’il n’y a rien dans l’effet qui ne se soit trouvé déjà dans la cause. Si l’effet était autre que sa cause, quelque peu autre qu’il fût, ce qui est n’aurait pas été avant d’entrer en manifestation phénoménale. Cause, état subtil, état de non-manifestation sont autant de termes équivalents[1] ; et il en est de même des termes produit, état grossier, état manifesté. « Ce que nous appelons « force » n’est pas autre chose que l’effet à l’état futur » (Vijñ., p. 6 ; p. 55). De là ces théorèmes : « Le produit et sa cause matérielle ne font qu’un » (S. S. I, 118). — « Les propriétés d’un composé existent dans ses constituants simples à l’état subtil » (S. S. III, 22). On a bien objecté aux philosophes du Sānkhya qu’à ce compte on ne voit pas pourquoi on n’irait pas indifféremment puiser l’eau avec un pain d’argile ou avec un pot. Ils ont répondu qu’il s’agissait là d’une identité essentielle, mais non point parfaite (ātyantika) ; ce qu’Aniruddha exprime assez maladroitement en disant que « rien n’empêche d’admettre qu’il y a à la fois entre la cause et le produit diversité et identité » (ad S. S. I, 118)[2].

L’effet existe déjà dans la cause ; il y existe même si bien qu’on peut conclure de l’existence des effets à celle de la cause[3]. L’action d’une cause efficiente ne fait que manifester ce qui existait déjà à l’état latent dans la cause matérielle : le statuaire ne tirerait pas une effigie d’un bloc ; de marbre, si la statue ne s’y trouvait déjà[4].

Cette affirmation d’une identité essentielle de la cause et du produit a conduit le Sānkhya à poser en principe l’existence de lois, de ces fædera naturae qui sont des rapports constants entre les causes et les effets. Ce qui prouve que les produits sont éternellement réels, c’est « la détermination

  1. « Le mot subtil a le sens de cause » (Yogasāra, p. 11).
  2. Voir Kār. 15. Vācaspatimiśra enseigne que le produit est pénétré par la cause, mais non pas la cause par le produit (ad Kār. 10).
  3. Kār. 14 ; S. S. I, 135.
  4. Vijñ. p. 55.