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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/958

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histoire des idées théosophiques dans l’inde

dire, comme marquant, non pas le but à atteindre, mais la méthode pour atteindre ce but, qui est ici, comme dans tous les systèmes orthodoxes, le salut. La deuxième définition, plus conforme à l’étymologie, pose aussi le yoga comme une méthode spirituelle : « Le yoga est l’application de la pensée à l’essence unique[1]. »

En tant que système de philosophie, le Yoga est la théorie des procédés employés pour la production artificielle de l’extase et des pouvoirs magiques. C’est un recueil de recettes pratiques plutôt que l’étude raisonnée de faits relevant de la psychologie religieuse.

III. Doctrines fondamentales.
§ 1. Les rapports du Sānkhya et du Yoga.

« Qui voit l’identité du Sānkhya et du Yoga, celui-là voit vraiment », ainsi s’exprime Yājñavalkya au livre XII du Mahābhārata (v.  11678)[2]. À s’en tenir à la cosmologie, à la théorie de la connaissance et à celle du salut, c’est une vérité incontestable que Yājñavalkya énonce dans ce passage. Et comment pourrait-il en être autrement, puisqu’en ces matières le Yoga s’est contenté de prendre en bloc les enseignements du Sānkhya ? Tout ce qu’il a de rationnel, ou peu s’en faut, est d’emprunt. Sur la prakṛti et les principes qui en dérivent ; sur le puruṣa, sur son indépendance réelle et son association apparente avec les êtres qui évoluent autour de lui, le Yoga a maintenu si fidèlement la doctrine de Kapila, que tels écrits qui, comme le Rājamartāṇḍa, se donnent pour une interprétation des sūtra de Patañjali, peuvent servir de source pour la connaissance du Sānkhya[3].

  1. eka-tattva-abhyāsa, Y.-S. I, 32.
  2. « La condition qu’obtiennent les Sānkhya, les Yogins l’obtiennent aussi ; il voit bien, celui pour qui Sānkhya et Yoga ne font qu’un » (Bhag. G. V, 5).
  3. Dans son commentaire sur les Sānkhya-sūtra, Vijñānabhikṣu cite fréquemment les Yoga-sūtra et l’interprétation qu’en a donnée Vyāsa ; il peut le faire d’autant plus justement, dit-il, que les doctrines essentielles sont les mêmes (p. 25).