Aller au contenu

Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
la théosophie brahmanique

ferme contrôle des sens, voilà ce qu’on regarde comme le yoga ; l’esprit est alors exempt de distraction » (6, 11). Ajoutons qu’il ne s’agit pas toujours d’un effort intellectuel ; dans la Bhagavad-Gitā, où ce mot se rencontre sans cesse et dans les sens les plus divers, yoga désigne souvent la discipline pratique, par opposition à la connaissance théorique, qui est alors le Sānkhya. De la notion d’acte accompli au prix d’un effort soutenu à celle d’acte surnaturel, il n’y a qu’un pas. Dans la Bhagavad-Gitā, le yoga est quelquefois la puissance miraculeuse, celle de Dieu particulièrement.

Comme la racine yuj signifie aussi joindre, on voit de bonne heure une autre idée s’introduire dans le mot yoga, et même l’emporter sur celle d’ascétisme spirituel ou pratique ; c’est l’idée toute mystique d’un rapport qui s’établit entre l’individu et l’Être absolu. La Maitrāyaṇiya-Upaniṣad semble vouloir combiner les deux interprétations, mais en donnant le pas à la seconde : « Puisque, disent les Écritures, on joint ainsi au prāṇa et à om tout l’univers dans sa diversité, la tradition donne à cette opération le nom de yoga. Unifier le prāṇa, l’esprit et les sens, et abandonner toute existence individuelle, s’appelle également yoga » (6, 25). La Bhagavad-Gitā parle souvent du yoga comme d’une fixation de la pensée en Dieu, d’une méditation intense dirigée vers la divinité. Finalement, dans les grandes sectes théistes des Pāñcarātra et des Pāśupata, ce qu’on appelle yoga, c’est l’aspiration vers Dieu, la connaissance de Dieu, l’union avec Dieu. C’est cette dernière acception qui prévaut dans l’Inde actuelle.

Ce sont là les emplois usuels du mot qui nous occupe. Si nous envisageons son sens technique, comme terme d’un système philosophique, nous le trouvons défini de deux manières différentes par les Yogasūtra : « Le yoga, dit Patañjali, c’est la suppression de l’activité de l’organe pensant[1]. » Cette définition toute négative, et d’ailleurs directement dérivée du Sānkhya, doit s’entendre, cela va sans

  1. citta-vṛtti-nirodha, Y.-S. I, 2.