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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/987

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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

L’organe pensant a une propension naturelle à errer de tous côtés. Il faut commencer par fixer la pensée, c’est-à-dire par l’assujettir en un point déterminé. Canalisé, le courant en sera à la fois continu et puissant. « On doit s’appliquer au seul savoir qui est l’essence de tout savoir et qui mène au but qu’on se propose. La multiplicité des connaissances ne fait qu’entraver la marche du yogin. Celui qui, curieux de savoir, se dit : « Voici une chose qu’il faut que je sache ; en voici encore une autre… » ne peut connaître la seule chose à connaître, fût-ce en un million de périodes cosmiques » (Mārkaṇḍ.-pur. XLI, 18, sq.).

Sur quoi faut-il arrêter ainsi l’organe de la pensée ? À cette question, les textes répondent de deux façons. Les uns veulent qu’on la fixe en un des points du corps, les autres qu’on l’applique à un des objets de la connaissance. Dans le premier cas, le point d’arrêt de la pensée sera par exemple le « lotus du cœur », ou le nombril, ou la pointe du nez, ou le sommet de la tête, ou bien encore la place qui se trouve entre les deux arcades sourcilières. Au contraire Vijñanabhikṣu enseigne que « la dhāraṇā fixe l’esprit (citta) sur l’âme individuelle, lieu du Dieu suprême, son conducteur interne » (Y. S. S., p. 49).

Voilà deux définitions qui semblent contradictoires, puisque l’une fait de la dhāraṇā une localisation matérielle de la pensée, tandis que l’autre ramène le processus à un phénomène psychologique. Et cependant il n’y a pas de raison pour croire que l’une représente plutôt que l’autre l’ancienne tradition de l’école. Puisqu’on plaçait la dhāraṇā entre la rétraction des sens et la méditation proprement dite, il était naturel qu’on y vît l’opération par laquelle on tenait massées en un point de l’organisme toutes les fonctions intellectuelles, une fois qu’elles étaient reployées et plongées dans le citta. Et ce point lui-même ne pouvait être qu’une des parties vitales du corps, ou l’une de celles qui jouent un rôle dans la production des phénomènes d’auto-hypnose, le nombril ou le bout du nez par exemple. D’autre