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VOYAGE AU YÛN-NÂN

À une heure du soir, nous arrivons devant la ville d’Haï-dzuong. Une demi-heure à peine s’écoule, et deux mandarins viennent me chercher pour me conduire au logement qui m’est destiné. Une heure après le vice-roi arrive dans un magnifique palanquin, entouré d’une nombreuse escorte toute chamarrée de jaquettes rouges, vertes, jaunes — toujours, comme à Quang-yen. Les hommes sont armés de grands sabres, lances et coutelas ; quelques-uns possèdent des fusils à pierre et à mèche mais ; surtout il y a profusion de pavillons. Le vice -roi est on ne peut plus gracieux : il veut absolument me retenir à déjeuner pour demain matin. Il me procure immédiatement le bois et les provisions dont j’ai besoin, puis il me fait cadeau d’une certaine quantité de riz, d’un porc, de poulets et de canards. De mon côté, je lui fais remettre une carabine Lefaucheux, 12 millimètres, à six coups avec cent cartouches, une jumelle de poche et quelques menus objets qui l’ont beaucoup flatté. Cependant je ne me fais pas illusion sur l’accueil du vice-roi, ces dehors d’apparence débonnaire cachent une arrière-pensée ; mais il a peur. Ce matin on travaillait à un barrage quelques milles au-dessus d’Haï dzuong, et bien entendu j’ai dispersé les travailleurs en leur faisant dire par mon interprète que si je les reprenais encore à semblable ouvrage, je les exterminerais jusqu’au dernier. Ils étaient au moins cinq cents occupés à enfoncer des pieux dans la rivière. Évidemment c’est par ordre du vice-roi qu’ils travaillent. Il est donc très important pour moi de reconnaître immédiatement ma route et de la surveiller avec ma chaloupe pour empêcher toute tentative de ce genre, et il me faut opérer très rapidement, car avec le temps les Annamites peuvent accumuler les obstacles, mon personnel se démoraliser et ma tentative échouer complètement.

1er décembre. — Le vice-roi arrive avec son escorte pour le déjeuner ; seulement il est à cheval aujourd’hui ; il a mis pour la circonstance une robe dorée par-dessus ses habits ordinaires. Le déjeuner qui nous est servi par des Cantonnais n’offre rien d’extraordinaire. Nous invitons ensuite le vice-roi à venir visiter la chaloupe et je lui montre nos armes qui l’étonnent beaucoup comme précision et portée.

Après une longue inspection du Son-tay le vice-roi rejoint sa barque, dans laquelle il se tient debout pour voir partir toute seule la chaloupe. Les gens de sa suite, malgré notre invitation, ne s’empressant guère à quitter le bord :