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ET OUVERTURE DU FLEUVE ROUGE AU COMMERCE

de diabolique ; malgré cela ils se figurent que tout n’est que magie dans ces machines qu’ils s’obstinent à prendre pour des machines de guerre. Nous passons à table ensuite et ils nous font l’honneur de trouver le Champagne très bon ainsi que quelques vins doux d’Espagne ; le vin rouge ne leur convient pas, ils ont le goût des Chinois sous ce rapport. Ils nous quittent vivement impressionnés de tout ce qu’ils ont vu et nous les saluons de nouveau de trois coups de canon.

J’ai fait tout ce que j’ai pu pour leur faire croire à des êtres surnaturels et à nos machines infernales. Ils ne se sont évidemment rendus à mon invitation que dans le but de se rendre compte de ce qu’il y a à bord de ces fameux navires qui ont l’audace de venir mouiller devant leur capitale.

J’ai profité de la circonstance pour réclamer encore les barques nécessaires à mon voyage au Yûn-nân. Je ne demande pas que les autorités me les procurent, mais seulement que le vice-roi par une proclamation annonce aux négociants qu’ils sont libres de me fournir les barques et les bateliers dont j’ai besoin pour effectuer mon voyage. Ils m’ont répondu comme toujours qu’il n’y a pas d’ordre du roi et qu’il faut attendre. Je leur demande s’ils ont attendu l’ordre du roi pour défendre au peuple de nous procurer des vivres et des barques en question. « Ce sont les lois de notre pays, me disent-ils, d’empêcher par tous les moyens l’envahissement de notre territoire à tout étranger. »

Des lois comme celles-là, dont le but est d’interdire le pays aux étrangers uniquement pour permettre aux mandarins d’exercer avec plus de sécurité leur oppression sur un peuple, sont rayées du Code de la civilisation. D’ailleurs c’est en vertu de ces mêmes lois qui permettent aux Chinois l’entrée du pays, que je suis au Tong-kin.

6 janvier. — Nous allons ce matin faire le tour de la citadelle, les capitaines du Ldo-kaï et du Hong-kiang, M. Bégaud et moi, suivis d’une escorte de dix Chinois. Comme nous passons devant les portes, on s’empresse de les fermer, comme si l’on craignait que nous n’ayons l’intention de pénétrer dans la citadelle de vive force. Les i-emparts sont aussitôt couverts de pavillons et de soldats qui s’agitent comme pour repousser une attaque.

La ville marchande qui se trouve devant la citadelle, s’étend le long du fleuve sur un espace d’environ 2 kilomètres et peut avoir 1 kilomètre en