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SUR L’USAGE DES BÂTONS DE MAIN

de l’ancienne Egypte ; elle faisait partie du code pénal militaire. Les espions étrangers y étaient soumis, et on les obligeait ainsi à révéler les plans de l’ennemi. Les gymnasiarques de l’époque pharaonique dressaient par ce moyen cruel les sujets qu’ils montraient en public et dont les tours d’agilité et de souplesse n’ont pas été dépassés par les Auriol de nos jours. Dans certaines scènes de ce genre on voit même le bâton noueux s’abattre sur les épaules des jeunes filles^^1.

Le bâton était aussi un moyen d’instruction judiciaire qu’on n’a guère le droit de trouver rigoureux dans notre pays, qui a conservé si longtemps la question ordinaire et extraordinaire. Il ne paraît pas d’ailleurs qu’il en ait été fait usage en Egypte dans d’autres cas que ceux de flagrant délit et de crime avoué. Le juge ordonnait alors la bastonnade sur les pieds et sur les mains au moyen d’un bâton nonnné batjana et batjara, mots qui rappellent bâton et battre. Ce n’est toutefois qu’un rapprochement mnémonique^^2. La verge de la fustigation s’appelait aussi djaba.

Lorsque les scribes du trésor venaient dans les campagnes percevoir l’impôt en nature, ils étaient accompagnés de recors armés de bâtons, et de nègres portant des rameaux de palmier, pour avoir raison des récalcitrants^^3. Le texte qui nous donne ce détail appelle le bâton de l’exacteur, schebot. Ce nom parait avoir été emprunté à la langue hébraïque, qui l’a appliqué, comme nous l’avons vu ci-devant, au sceptre royal et à la baguette de la fustigation. 11 s’est conservé tel quel dans le copte.

Le même mot servait quelquefois aussi de nom au bâton du vieillard. Il est naturel, en effet, que l’homme âgé fasse respecter sa dignité, le cas échéant, au moyen de l’arme qui lui sert de soutien. Au nombre des maximes de l’antique sagesse égyptienne, on trouve la recommandation du respect dû aux supérieurs et l’observation que la réponse du vieillard portant le bâton sert à abattre la témérité^^4. Ailleurs le même moraliste dit que « réponse grossière fait lever le bâton^^5. »

1 Wilkinson : The Egytians in the time of the Pharaohs (page 17.

2 Voyez Chabas : Mélanges égyptologiques, IIIe série, vol. II, page 17, et Goodwin : Journal égyptologique de Berlin, 1874, page 62.

3 Papyrus Sallier I, page 6, ligne 8.

4 Papyrus Boulaq IV, pi. 6, ligne 8.

5 Ibidem, pl. xxii, ligne 7.