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TABLEAU DU KALI YOUG OU ÂGE DE FER

rification de la classe ouvrière ou des Soudras au détriment des hautes classes et de la classe moyenne, c’est-à-dire des Brahmanes, qui équivalent à notre ancien clergé et à la noblesse de robe ; des Kchatryas, qui représentent la noblesse d’épée, et des Vaiçyas, qui sont notre bourgeoisie. On le remarquera en effet, le tableau du Kali-Youg, si sévère pour les hautes classes de l’Inde, ne retrouve plus la vertu que chez les Soudras, ou même mieux dans la populace. Pour Vichnou-Das, les porteurs d’eau, les crieurs de confiture en plein air et les guides de palanquins sont mille fois plus religieux, plus honnêtes, plus sérieux que les rois, les gens de guerre et les Brahmanes. Il faudrait entrer ici dans de trop longs détails sur l’origine, le développement, le but et les moyens d’action de la curieuse secte des Vaïchnavas, pour expliquer ces flatteries sans mesure et ces appels véhéments aux passions populaires. Nos lecteurs n’ont qu’à se reporter aux travaux de maître que M. Garcin de Tassy a publiés sur cette intéressante question dans ses Revues annuelles de la langue et de la littérature hindoustanies. Là ils apprendront comment, grâce aux efforts laborieux et persévérants de quelques hommes éclairés par une raison saine et libre, le mouvement tumultueux des Vïchnavas a fini par se transformer presque complètement en une sage propagande de pur déisme, dont les Brahma-Samadj, écoles d’éclectisme, pleines de tolérance et de bon sens, sont la plus digne représentation.

Le Kali-Youg ou, d’après l’orthographe hindoue, Kali-jug, et simplement Kali, que M. de Tassy traduit par « l’âge de fer », signifie proprement l’âge noir. Il est le quatrième des quatre âges du monde : il comprend une période de quatre cent trente-deux mille ans que les Hindous supposent avoir commencé le vendredi 18 février 3102 avant l’ère chrétienne. Les autres âges sont le Saty, « l’âge de la vertu », nommé aussi Krit, « l’âge de la création », qui est le premier et qui équivaut à « l’âge d’or » des Grecs et des Latins. Il comprend un million sept cent vingt-huit mille ans. Le second, nommé Tret, « l’âge de la conservation », qui équivaut à l’âge d’argent et qui comprend deux millions deux cent quatre-vingt-seize mille ans. Enfin le Dwapar, « l’âge du doute ou de l’incertitude », qui équivaut à « l’âge d’airain » et qui comprend huit cent soixante-quatre mille ans.

La traduction que M. Garcin de Tassy nous donne ici est littérale, si ce n’est qu’il y a, outre quelques coupures, de rares déplacements de phrases jugés