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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

dit-il à Râma : «Je ne vois pas qu’il y ait du crime à tuer Bharata », भरतस्य बधे दोषं नाहं पश्यामि[1]. Mais le héros, inaccessible à la colère, asankruddhas, calme son bouillant compagnon en lui observant que Bharata vient dans une intention amicale. Aussitôt en effet qu’il a fait camper son armée à distance, l’agile Bharata se dirige seul, à pied, vers l’ermitage de celui qu’il appelle l’Indra des hommes, narendro, et dont le sort lui arrache cette exclamation : « C’est à cause de moi que le plus vertueux des hommes a dû renoncer à tous les plaisirs et qu’il habite les bois ! »[2]. Au même instant, il voit dans l’habitation orientée au nord-est du solitaire[3] un autel avec son feu clair et brillant : प्रानुदकप्रवणे देशे वेदी मंदीप्त्पावकां[4] et, assis par terre, vêtu d’écorce, les cheveux arrangés en anachorète, Râma aux épaules de lion, sinhaskandhan, aux longs bras, aux yeux de lotus blanc, puṇḍarîkani bhekshaṇan, immortel comme Brahmâ : ब्रह्माणमिव श्रश्वतं. À cet aspect il est saisi au point qu’il tombe en pleurant, rudan, aux pieds du héros et que dans l’excès de sa douleur il ne peut proférer que le cri : « Ô vénérable ! » (ârya)[5]. Mais Râma le relève, l’embrasse et l’ayant fait asseoir sur sa cuisse, अङगे भरतम् आरोप्य[6], il questionne son frère sur ses père et mère, sur lui-même, sur son gouvernement et ses peuples. Bharata l’informe de la mort de Daçaratha que le chagrin a tué, et le conjure de revenir pour reprendre, autre Bhagavat, le trône qui est à lui. Il le lui demande en grâce, comme son esclave, et l’assure que tous ses sujets, prakṛitatayaḥ sarvâ, et les veuves royales, vidhavâ, désirent la même faveur. Mais Râma,

  1. Râm., II, 106, 22.
  2. Ib. 108, 15.
  3. Je n’ai pas trouvé de texte dans Manu et Yajnavalkya qui stipule pour les maisons une orientation quelconque. Mais il n’en est pas de même pour les codes domestiques. Là, ce n’est pas pour les actes du sacrifice et de mariage seulement que les divers points de l’horizon ont une valeur religieuse ou liturgique. (V. le Grihyasûtra d’Açvalâyana, I, 10, 16-21 ; II, 2, 5, 10 : II, 1, 9, sq. ; 3, 7, 12, et al. et Grihy. de Pâraskara I, 8, 3, 4 ; III, 4, 10-17.) On leur en attribue aussi dans l’érection (Ib. II, 7, 7, 10 ; 8, 9, 15 Pâraskara, III, 4, 10-17, et on cite les prières qu’on leur adresse dans ce dernier code.
  4. Râm., II, 108, 22.
  5. Ib., 37.
  6. Ib., 109, 1. La cuisse était en grande considération dans l’antiquité. Abraham fait jurer son serviteur la main sous sa cuisse à lui (Gen., XXIV, 2, 9.), et Cicéron compte parmi les bonnes qualités de l’orateur de se frapper les cuisses : « Vous ne vous frappez ni le front ni les cuisses, non frons percussa, non femur. (Orat., LXXX) dit Cicéron par manière de reproche à un orateur d’ailleurs éloquent. Dans ses moments de grand discours, M. St.-Marc Girardin se battait la cuisse avec éclat.