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LE RÂMÂYAṆA.

riosité et, commençant par le commencement, en prenant son point de départ dans la personne du prajâpati ou démiurge Kardama fait d’une motte de terre comme l’Adam biblique, son récit généalogique arrive à Manu qui engendra les manushas, मनुर्मनुष्यांश्च तथा जनयामाम, c’est-à-dire les brâhmanes, les kshatriyas, les vaiçyas et les çûdras[1]. Quant à Jatâju, il descend de Garuda, petit-fils de Çyênî, l’aïeul des faucons, des vautours et des hiboux. Son récit terminé, le noble vautour s’offre pour accompagner Râma. Je défendrai, dit-il, Sîtâ en l’absence, çûnye, de toi et de Lakshmaṇa. Râma accepte l’offre et lui confie Sîtâ, puis entre dans la Pancavatî, peuplée de toute sorte d’êtres féroces. Après avoir fait choix d’un site agréable, car les Indiens sont en général très sensibles aux beautés de la nature, Lakshmaṇa construit promptement un grand et bel ermitage tout en feuillages. Râma en fut content et s’y plut comme Indra dans le ciel, quoique ou peut-être parceque l’hiver fut très rigoureux. Il y eut de la glace, nîhâraḥ, et il neigea, hima[2]. La chose me paraît curieuse à noter, car avec la Godavéry nous sommes au moins sous la latitude de Bombay, sous le 19e degré. Aussi cet hiver avec glace et neiges est de si grande importance pour le poète qu’il consacre 21 stances à en décrire les effets[3]. Et sans doute que cette rigueur atmosphérique eut sa part d’influence sur le moral de Lakshmaṇa, car il se mit à médire de Kaikêyî, lui si doux et si indulgent d’ordinaire. Mais Râma dont rien n’ébranle l’équanimité et la constance, reprit son frère et lui dit : « Tu ne dois pas, mon très cher, tâta, censurer devant moi une mère qui est l’égale de la nôtre », न तेऽम्बा मध्यमा तात गर्हितव्या ममाग्रत:. Et sur cela, après avoir, suivant les rites, fait la libation aux dieux et aux mânes, il adore avec ses compagnons le soleil levant, sûryam udyantam. Nous voilà en pleine religion védique[4], ou même dans la religion de tous

  1. Râm., III, 20, 30.
  2. Ib., 22, 5. sqq.
  3. Ib., 4-25.
  4. Observée dans les codes domestiques. (Gṛihy., d’Açvalâyana, III, 7, 2,) où l’adoration se fait par des vers védiques (X, 37, 9-12). Le Rig-Véda ne consacre pas, il est vrai, un grand nombre d’hymnes au soleil, vingt-neuf en tout, néanmoins l’invocation au soleil sous le nom de Sâvitrî, est la prière journalière la plus importante, après la récitation ou plutôt l’éjaculation mystique du monosyllabe Aum. V. Gṛihyasûtra d’Açvalâyana, III, 5, 12 ; Mân., II, 78, 81 : « On doit les reconnaître comme la principale partie du Véda », विजयं ब्रह्मणो मुखं. Cf. R.-Veda, III, 62, 10, sqq. तत्सवितुर्वरेण्यं भर्गे देवस्य धोमहि । धियो यो न्: प्रचोदयात् ॥ १० ॥ (éd. M. M., II, 995 sq.)