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LA RELIGION EN CHINE

des couvents autour desquels, à plusieurs milles de distance, on ne trouve ni villes ni villages. Là, au milieu de montagnes d’une élévation considérable, quelques huttes de bergers sont, à l’exception des monastères, les seules habitations humaines. Beaucoup de ces ascètes, désireux de porter leur renoncement à ses limites extrêmes, refusent de vivre dans les monastères où ils trouveraient dans la société des autres moines quelque compensation à la privation des satisfactions du monde ; ils se construisent une hutte de roseaux et de paille dans quelque vallon écarté de la montagne ou dans quelque endroit abrité par des arbres, pour y vivre seuls, sans autre société qu’une petite image du Bouddha, sans autre occupation que de brûler de l’encens ou de chanter des prières en l’honneur de leur dieu. Ils reçoivent leur nourriture des monastères voisins. Pour eux point de soucis de famille, point de besoin de gagner leur subsistance par le travail. La monotonie de leur existence n’est égayée que par les rares visites de leurs frères, les habitants du monastère qui les nourrit et aux règles duquel ils doivent se soumettre.

Il y a plusieurs années, je visitai le lieu célèbre où le bouddhisme chinois se montre dans toute sa gloire et où l’on peut le mieux observer le style des temples et la manière de vivre des moines. C’était le 18 avril, le beau moment de l’année pour parcourir les régions montagneuses de la Chine ; je traversais avec deux compagnons un passage de toute beauté sur la route de Teen-tae. Nous avions couché dans un monastère paisible — car dans ces parties de la Chine les monastères sont les seules auberges que l’on rencontre — et depuis le matin, nous suivions les méandres d’un torrent bruyant, courant dans une vallée étroite. De temps en temps, à un coude du chemin, nous nous trouvions en face d’une jolie cascade se précipitant d’un rocher abrupt ; souvent nous traversions le courant sur un radeau de bambou en guise de bac, quand l’eau était trop profonde pour être affrontée par un piéton et pourtant trop peu pour permettre l’usage des avirons ou des rames. Enfin nous commencions l’ascension de la passe ; tout autour de nous s’étageaient six ou huit croupes de collines dont les lianes étaient couverts d’azalées en pleine floraison. Au loin, dans le bas, le torrent affectait avec un amour évident cette l’orme sinueuse que suit le Wye près de Chepstow. La vue des collines avoisinantes nous parut très belle ; mais c’est en atteignant le