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Le comité directeur se réunissait près des Halles, chez Châtelain, qui fut arrêté vers le 22 janvier 1871. À Blanqui se rattachaient, avant ou après le 4 septembre, différents groupes, dont les principaux chefs étaient, suivant les hommes de la police, Miot, Tridon, Eudes, Beaury, Meunier, Granger, les frères Villeneuve et Jaclard, qui opérait avec Dupont, Gérardin, Petiau, Fontaine, Razouat, Cournet, Tony-Moillin, Godineau, etc. Blanqui s’appuyait, en outre, sur la légion garibaldienne, formée par Martel, avec l’autorisation du général Trochu, et dont la section polonaise avait pour chef Dombrowski. M. Choppin, dans sa déposition, évalue à 50 ou 60,000 le nombre des adhérents de Blanqui, qui entraînait dans sa sphère d’action des chefs de bande audacieux : Gustave Flourens, Tibaldi, Serizier, Sapia. Il n’avait pas de système bien arrêté ; ses partisans se qualifiaient de républicains anarchistes, et, pour justifier ce titre, ils voulaient la destruction complète de la société. Blanqui avait compris toute l’importance de l’Internationale, et il fit de grands efforts pour en obtenir la direction. Des réunions assez nombreuses eurent lieu, dans la rue de la Corderie du Temple pour discuter cet accord et cette fusion ; mais l’Internationale, faisant tout reposer sur l’élection, ne pouvait s’accommoder de l’organisation dictatoriale qu’il rêvait, ; Le parti banquiste avait pour organe la Patrie en danger, dont le nom était en parfaite harmonie avec celui de la « ligue de la défense à outrance.»

Félix Pyat avait aussi son parti, mais beaucoup plus faible et moins consistent. Phraseur avant tout, il payait de mots le public peu réfléchi qui aimait à l’écouter. Il avait pour coopérateur Gromier, qui sortit le 4 septembre de la prison de Beauvais, où il avait été renfermé comme complice du complot dit de Blois. Pyat agissait sur le peuple au moyen du Combat, journal qu’il remplaça ensuite par le Vengeur. Lorsque Jaclard donna, le 24 janvier 1870, son banquet révolutionnaire, Félix Pyat, ne pouvant y assister, voulut, du moins, y envoyer son toast -.-il buvait à la balle, à la petite balle ronde et polie, pleine de charmé et d’espérance, qui devait faire le bon lieur des honnêtes gens en frappant le chef ennemi.

Journaliste distingué, mais dévoré d’ambition, Delescluzc avait un plan bien arrêté, et s’il ne sentait pas derrière lui de grandes masse i comme Blanqui et les chefs de l’Internationale, il n’en était pas moins un vrai chef populaire. Il avait cherché à reconstituer l’ancien parti jacobin, et, dans cette position, il étendait son extrême gauche jusqu’à l’Internationale, tandis que s’a droite se développait jusqu’aux abords du gouvernement de la défense nationale. Son journal était le Réveil, qu’il avait fondé dans les dernières années de l’empire. Delescluze conspirait depuis vingt ans, et son parti « avait. presque pour annexes», dit M. Choppin, « l’Alliance ou ligue républicaine et l’Union des républicains». On saisit chez sa sœur une correspondance qui constatait son action sur la ligue républicaine et indiquait son organisation dans les départements. On sait que cette association avait des centres actifs à Lyon et dans d’autres villes.

Nous avons parlé des bombes fabriquées par la société des Saisons. D’autres sociétés secrètes s’adonnaient, paraît-il, à cette industrie, qui prit une grande extension après le 4 septembre. On pouvait alors s’y livrer sans danger, un décret du gouvernement de la défense nationale ayant autorisé le commerce de substances explosibles et la fabrication des armes de toute espèce, afin de laisser à l’initiative industrielle une complète liberté d’action pour préparer l’extermination des Prussiens s’ils avaient essayé de donner l’assaut à Paris, et s’ils avaient, après l’assaut, pénétré dans la ville. La ligue de la défense à outrance ne laissa pas échapper une si belle occasion, et la fabrication des engins de guerre explosibles eut lieu sur une vaste échelle. Le fameux général Duval s’y livrait avec ardeur, et y employait jusqu’aux boutons d’uniforme de la garde nationale. Les comités de surveillance qui fonctionnaient à côté des mairies fabriquaient des bombes avec les fonds de la ville, et celui du XVIIIe arrondissement (Montmartre), qui avait pour maire M. Clemenceau, et pour adjoints Dereure et Jaclard, en produisit des quantités considérables. On faisait en même temps des tubes incendiaires à pétrole. Les rapports des agents, plusieurs explosions qui eurent lieu à Belleville, à Montmartre, à la Maison-Blanche, et les éclats de bombes qu’on trouva sur la place de l’Hôtel-de-Ville après la tentative du 22 janvier 1871, attirèrent l’attention de M. Cresson sur cette fabrication. Il comprit que ces engins pouvaient, à un moment donné, constituer un véritable péril social, et il fit saisir, en janvier, plus de 25,000 bombes de différents systèmes : bombes Orsini ;—sphériques avec capsules, — à roues avec clous à frottement, poudre blanche et cylindre en verre rempli d’acide sulfurique, etc. On trouva des bombes emmagasinées jusque dans certains caveaux du cimetière Montmartre. Quant aux tubes incendiaires, on en saisit 6,000, qui auraient probablement joué un grand rôle dans les incendies, qui éclairèrent d’une lueur sinistre la défaite de la commune. On avait trouvé chez Duval deux caissons de cartouches et divers modèles de bombes ; chez Gérard, fondeur, à Belleville, On saisit 500 tubes, 300 kilogrammes de poudre explosible et 13 modèles de bombes en cours de fabrication.