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brun de la montaigne

2690« Jamais ne me verres en santé plus greigneur. »
Quant Butor l’entendi, s’eut au cuer grant ireur,
S’en gela voiant tous maint soupir et maint pleur,
Et dit : « Se je vous pers, je pert bien le meilleur
« Qui soit ore vivant, et de ma gent la fleur.
2695— Avec ce, » dit Bruiant, « ai ge moult grant cremeur
« Que Hermans mes chiers filz n’en porte la rigueur
« A Brun, le vostre enfant que je tieng por mageur. »

CLV[1]

(f° 57)Ce respondi Butor : « Amis, n’i pensés ja ;
« Chascun des .ij. enfans bien se conportera,
2700« Mais, s’il plaist a Jhesu, ja guerre n’en sera.
— Non sire, » dit Bruiant, « au mains qui m’en crerra.
« Mais je sui tout certains que mes cors n’enterra
« Jamais en mon païs, tant de mal mes cuers a.
« Je sui si adolés que mes corps finera
2705« En mi lieu du chemin, avant qu’il veigne la,
« Si que Hermans mes filz jamais ne me verra,
« Ne ma belle mouiller qui souef le porta. »
Quant Butor l’entendi de son cuer soupira,
Et des iex de son chief moult tendrement pleura.
2710Bruiant jeta .j. cri quant on le renchercha ;
Chascun des chevaliers sur son cheval monta,
Et Butor prist comgié, a Dieu les comanda,
Il et sa compaignie erranment retorna.

CLVI[2]

Ainsi a Butor pris le congié de sa gent,
2715Et il vont chevauchant tost et viguereussement,
Et n’i ont aresté fors que tant seulement

  1. — 2698. A ce r.