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Page:Anonyme - Brun de La Montaigne.djvu/58

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brun de la montaigne

LXII

— Dame, » dit la maistresse, « arons nous mes hui pès ?
« Est il temps d’aler ent, serons nous ci hui mais ?
« Je vous ai en couvent, se mes dons n’estoit fais,
(v°)« Qu’encor avroit il pis, pour l’amour de vos plais,
1085« Puis que vous le voulez, il est si trés parfais
« Que c’est un secont Diex ou il est contrefais ;
« Onques ne fu par lui nus vilains mos retrais,
« Et il i a raison, fors qu’en cris et en brais.
« Puisque c’est vos plaissirs, du surplus je me tais ;
1090« Mais en despit de vous ne le verrai jamais.
— Dame, il n’en puet chaloir, bien portera son fais ;
« Je n’i aconte riens, vos dons li sont fortrais
« Quant il ert chevaliers, ains que passe li mais ;
« Car se nus gentis hons fust onques amans vrais
1095« Cilx ci le sera tiex par amoureus atrais,
« Se vous en met au pis puis qu’il ert a moi trais.
« Laissons huimais ester, vos dons li est mauvès. »

LXIII[1]

Quant les .iij. eurent dit toute leur voulenté,
La tierce prist l’enfant, si l’a envelopé
1100Dedens les dras de soie ou on l’avoit bouté,
Et puis si le baissa de bonne voulenté ;
Et puis dont .j. anel de fin or esmeré
Li a moult doucement dedens son doit bouté,
Mais ausi proprement s’en l’eüst mesuré
1105Que pour le doit l’enfant l’eüst on martelé,
Ausi a point fu il, a droite verité.
Et quant elle li ot cel ennelet donné,
.IIII. foys le baissa, et par l’amoureus gré,
Quant elle l’ot baissié, a Dieu l’a commandé,
1110Et après le congié tendrement a pleuré.