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élie de saint gille

d’Élie et de Rosemonde. Mais le remanieur, en refaisant un autre poème du xiie siècle, l’Aiol, y avait remarqué le personnage d’Élie, le père du héros. Ce personnage portait le même nom qu’Élie de Saint-Gilles ; de là à identifier les deux noms, il n’y avait qu’un pas. Le remanieur n’hésita pas, et, reliant entre eux deux poèmes qui n’avaient rien de commun, il donna pour père à Aiol l’Élie de l’Élie de Saint-Gilles. Une chose pourtant le gênait : la présence de Rosemonde, qui logiquement devait épouser Élie, mais qui ne pouvait pas être la mère d’Aiol, puisque dans l’Aiol cette mère est sœur du roi Louis et porte le nom d’Avisse. Le remanieur se tira d’affaire en imaginant, au dernier moment, un empêchement au mariage d’Élie et de Rosemonde et en faisant épouser Avisse à Élie. Dès lors, les deux poèmes étaient soudés l’un à l’autre : la geste de Saint-Gille était créée, et l’auteur du roman de Raoul de Cambrai[1] pouvait, à son tour, faire remonter la geste d’une génération, et intercaler, à la fin de son poème, un long passage pour parler de la naissance à Saint-Gilles de Julien, père d’Élie et fils de Bernier et de Béatrix.

À une époque où on prétendait relier entre elles presque toutes les chansons, l’Élie devait se rattacher à une geste quelconque ; il se rattache en effet à la geste de Monglane, et la plupart des héros de cette famille, à laquelle appartient Élie par sa

  1. Li romans de Raoul de Cambrai et de Bernier, pp..... E. Le Glay (Paris, Techener, 1840), p. 257-258. Cf. aussi P. Paris, Hist. litt., XXII, p. 724-725.