Page:Anonyme - Elie de Saint Gilles.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xix
introduction

2144), ce qui, à l’époque du poème, ne concorderait guère avec une origine méridionale. Bien plus, dans une partie de la chanson qu’il a évidemment composée lui-même, le remanieur avait tellement peu présent à l’esprit le lieu de son action, qu’il devait supposer être en Provence, que dans l’énumération qu’il fait des peuples rangés sous la bannière de Julien, comte de Saint-Gilles (v. 2622-2623), il nomme des Français, des Bourguignons, des Flamands, des Berrichons, mais non pas des Provençaux.

Il y a donc eu remaniement, et remaniement fait au xiiie siècle. Mais quel était le poème original et à quelle époque en remonte la composition ? Je remarque tout d’abord que ce poème primitif, tel que l’avaient sous les yeux, d’une part, le trouvère du xiiie siècle dont nous possédons le remaniement, et, de l’autre, un second remanieur français, qui a servi d’original à la version norvégienne, était incomplet à la fin[1]. On peut supposer, soit que l’Élie n’a pas été achevé par son auteur, soit qu’une même famille de mss. défectueux a servi aux deux remanieurs qui, chacun de leur côté, ont composé un épilogue tout différent. Quoi qu’il en soit, il est facile de prévoir que la chanson du xiie siècle[2] devait se terminer par le mariage

  1. Voy. plus loin p. xxxviii-xxxix.
  2. M. P. Paris (Hist. litt., t. XXII, p. 423-424) dit que la « mention d’un pèlerinage pacifique au saint sépulcre » pourrait faire supposer que la rédaction primitive de l’Élie est antérieure au commencement du xiie siècle. Il faut observer que cette mention se trouve à l’extrême fin du poème français (v. 2178), dans une partie qui est l’œuvre personnelle du remanieur ; c’est donc bien plutôt un souvenir du temps passé qu’une allusion au temps présent.