Page:Anonyme - Huon de Bordeaux, chanson de geste.djvu/115

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Sommaire.

apprend à quel prix, à quelles conditions il a pu lui venir en aide. « Maudit soit Oberon ! s’écrie Huon. — Prends garde, dit Malabron, le petit homme t’entend. — Que m’importe ? répond Huon, il m’a fait trop de mal pour que je me soucie de lui. Mais toi, me laisseras-tu ici, ou m’emporteras-tu ? — Je te déposerai au delà de la mer, dit Malabron, je ne puis rien de plus. » — Huon monte sur le dos du lutin, s’y assied, jambes croisées, aussi nu qu’au jour de sa naissance, et traverse ainsi la mer. Malabron le dépose sur le rivage, où il l’abandonne en le recommandant à Dieu. Huon maudit encore le nain et s’en va errant à l’aventure. P. 208-213.

Il fait la rencontre d’un vieux ménestrel qui, le voyant ainsi nu, s’écrie : « Homme sauvage, ne me faites point de mal. — Oui, sauvage, répond Huon, je ne laisse pas de l’être ; mais ne craignez rien, et donnez-moi, je vous prie, de votre pain. — Tu en auras ; mais auparavant, dis-moi, en quel Dieu crois-tu ? — En celui que tu voudras, répond Huon. — Tu me fais peine, reprend le jongleur ; prends dans ma malle un pelisson d’hermine et un manteau d’écarlate, couvre-toi, car tu en as bon besoin ; viens t’asseoir à mes côtés, bois et mange, et tiens compagnie à l’homme le plus affligé qui se puisse voir. — Par ma foi, dit Huon, je ne le suis pas moins, mais je m’estimerai heureux si j’ai à manger. » Il mange et boit, revêtu des habits du ménestrel, puis s’entretient avec lui. « Ami, lui demande le vieillard, de quel pays es-tu ? » — Huon réfléchit avant de répondre. Doit-il mentir ou dire la vérité ? La crainte d’Oberon ne le retient plus : il mentira en dépit du mauvais nain. — « Je suis d’Afrique, répond-il au jongleur ; je m’étais embarqué avec des marchands