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Préface.

qu’au départ de Huon, la seconde raconte son périlleux voyage, la troisième commence à son retour et achève le récit. C’est la seconde partie qui est de beaucoup la plus développée : elle compose près des deux tiers de l’œuvre. Dans l’intention de l’auteur, elle en devait faire le fond, l’intérêt principal, la nouveauté. Or, cette partie n’a d’une chanson carlovingienne que le mètre et les couplets monorimes. Par l’invention, c’est une fantaisie qui, jetée dans un autre moule, eût formé un véritable poëme d’aventures. Elle n’est point encastrée sans art dans la chanson de geste qui lui sert comme de bordure ; mais, pour l’en détacher et pour en faire un ouvrage à part, il eût suffi de trouver une autre cause, un autre prétexte, si l’on veut, au voyage de Huon de Bordeaux. On eût pu, de même, et sans peine, faire un second ouvrage, d’un caractère très différent, avec l’exposition et le dénoûment, en retranchant de cette dernière partie l’intervention d’Oberon, et en substituant au récit fantastique du message de Huon celui d’une pénitence, d’un pèlerinage quelconque qui se serait accompli dans des conditions plus humaines et moins éloignées de la vraisemblance.

Mais l’auteur de Huon de Bordeaux n’a voulu faire, selon nous, ni l’un ni l’autre de ces deux ouvrages. Il s’est proposé d’en combiner, d’en fondre les éléments en une seule composition d’un genre mixte. Il était sûrement de la vieille école ; il appartenait encore à cette famille sérieuse de trouvères qui ne chantaient que les héros et les saints et laissaient à des jongleurs subalter-