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iv
Préface.

pardonner, mais à quel prix ! En imposant à Huon une mission si lointaine, si étrange, si périlleuse, qu’elle semble à tous un nouvel arrêt de mort.

Huon se soumet à cette terrible pénitence et part pour expier son prétendu crime. Alors s’ouvre devant lui une longue suite d’aventures, une succession de dangers que sa témérité multiplie, mais dont sa valeur ne suffirait pas à le tirer, s’il n’avait intéressé à son sort un protecteur doué d’un pouvoir surnaturel. C’est le nain Oberon, le roi de Féerie, qui s’est pris pour Huon d’une de ces belles amitiés comme on n’en ressent qu’au pays des fées et des bons génies. Grâce à ce petit roi d’une bonté que rien ne lasse, servie par une puissance à laquelle rien ne résiste, Huon parvient à s’acquitter de son message. Il ne lui reste plus que d’en rendre compte à Charlemagne pour rentrer en possession du duché de Bordeaux lorsqu’une trahison de son frère Gérard le replonge dans l’infortune. Mais il est encore une fois sauvé et vengé par Oberon, qui, au dénoûment, le réconcilie avec l’empereur, lui fait rendre son fief et lui promet de déposer dans trois ans sur sa tête la couronne du royaume de Féerie.

Tel est ce récit poétique réduit à sa plus simple expression, et l’on voit bien déjà qu’une invention de ce genre ne constitue pas un monument primitif comme la chanson de Roncevaux, par exemple, ou la bataille d’Aleschans. On le verra mieux encore si l’on mesure, si l’on compare entre elles les trois parties très distinctes et très inégales du poëme. La première s’étend jus-