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Sommaire.

donne, puis il ajoute : « Huon, sur la route que tu dois parcourir se trouve la cité de Tormont. Là réside Macaire, un traître prouvé, qui est ton oncle. On l’appelait Guillaume en France. Il voulut faire périr le roi, fut banni du royaume et alla outre mer, où il renia le Christ. Aujourd’hui, il croit à Mahomet et à Tervagan. Il n’est chrétien qui tombe entre ses mains qu’il ne le fasse pendre ou jeter en prison. Je te défends sur la vie d’aller à Tormont. » — Huon refuse d’obéir : « J’irai à Tormont, dit-il, visiter mon oncle, et, s’il est tel que vous le dites, je lui arracherai les yeux de la tête. Je saurai bien corner au besoin et vous viendrez à mon aide. — Tu as dit vrai, reprend Oberon, mais si tu tiens à mon amitié, garde-toi de sonner du cor à moins d’être blessé et en péril de mort, car autrement je te ferais endurer les plus grands maux. » En parlant ainsi, Oberon ne peut retenir ses larmes. « Pour Dieu, seigneur, qu’avez-vous ? lui demande Huon. — Ce que j’ai ? répond le nain, j’ai grand pitié de toi, car personne ne saurait exprimer tout ce que tu auras à souffrir. Adieu ! je ne puis t’en dire davantage. » P. 112-117.

Huon se remet en route. Il arrive bientôt en vue de Tormont. Sur le point d’entrer dans la ville, il rencontre un sergent qui l’en détourne et s’offre à le conduire par un autre chemin. Le sergent était chrétien, mais réduit à cacher sa foi par crainte du duc Eudes, sire de Tormont[1] : « S’il vous sait dans la ville, dit-il à Huon, il vous fera jeter en prison avec cent

  1. Ce duc Eudes n’est autre que l’oncle de Huon. On ne sait trop pourquoi il s’appelle ici Eudes, quand tout à l’heure Oberon l’a appelé Macaire, en prenant soin d’ajouter qu’en France, avant son apostasie, il portait le nom de Guillaume.