Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/12

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Mais elle se recula vivement, quoique sans montrer aucun signe de mécontentement.

Sans prononcer une parole, le jeune homme posa le cahier sur le piano et commença à faire l’accompagnement.

— Voulez vous essayer, dit-il ? Ce n’est pas difficile du tout.

— Non, chantez vous même le premier. J’ai besoin d’entendre le mouvement.

Le jeune homme obéit et se mit à chanter avec une voix étonnamment riche et une expression tout à fait appropriée au sujet, pendant que sa jolie élève l’écoutait avec un regard complaisant. C’était une romance toute de sentiment ; et le chanteur, en la disant, sembla se mettre à l’unisson avec le poète.

On peint l’amour, un bandeau sur les yeux ;
L’amour aveugle ! Quel blasphème !
Me dit Sylvain, en regardant les cieux ;
J’y vois pourtant quand je vous aime !

Puis, il me dit d’une voix tendre,
L’amour est là, suivons ses pas,
Car l’amour ne veut pas attendre ;
Le temps perdu ne revient pas.

La voix du chanteur vibra étrangement, en répétant ces deux derniers vers et il chanta les mots : L’amour ne veut pas attendre, avec une chaleur qui parut causer une vive émotion à sa compagne.

Il y eut un moment de silence, pendant que l’écho de sa voix semblait encore caresser l’air.

— Aimez-vous cette romance ? demanda-t-il simplement.

— Comme une autre.

— Voulez-vous l’essayer, maintenant ?

— Non, pas maintenant ; je vous remercie, dit la jeune fille d’une voix un peu contrainte.

— Alors, la leçon est finie ? murmura-t-il avec regret.

— Quelle leçon ? demanda innocemment la chanteuse, pendant que ses beaux yeux restaient fixés sur son interlocuteur avec une expression de curiosité et de malice.

— Mais la leçon de musique. Je ne crois pas que nous en