Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/45

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— Eh bien ! Il n’y a pas eu de temps perdu. Avant la fin de la dernière nuit, la Marie-Anne a dû passer à Trois-Rivières, car la voici de retour et « M. Cheveuxroux » est à Montréal.

— À Montréal ! exclama Lafortune dont la stupéfaction allait croissant de minute en minute.

— Oui, mon oncle, en chair et en os. Maintenant, reprit Joe, d’un ton posé, je vous prie de ne pas m’effrayer mon poisson. Le filet est bien tendu. Mais M. « Cheveuxroux » n’est pas celui que je veux pêcher. J’ai une notion qu’il fait partie, tout au plus, du menu fretin ; et je flaire un beaucoup plus gros morceau. Vous saurez le reste plus tard.

— Et Monsieur Robert Halt ? demanda curieusement Lafortune.

— Pour sûr, il est aussi innocent que l’enfant qui vient de naître.

— C’est ce que nous verrons, Joe, reprit Lafortune, d’un ton plus froid. Je veux bien consentir à ne pas déranger ta goélette et ses habitants. Mais la complaisance a ses limites, vois-tu bien ; et il m’est impossible de ne pas continuer ma propre chasse. L’avis anonyme a dit vrai, une première fois, et je dois savoir si les billets faux sont ou ne sont pas entre les mains de M. Robert Halt. C’est chez lui que se trouvera la preuve de sa culpabilité ou de son innocence.

— Au moins, j’ai votre parole de ne pas troubler mon poisson, avant le bon moment ? Est-ce dit ? répliqua Joe, en haussant légèrement les épaules.

— C’est dit. Au revoir et bonne, chance.

M. Lafortune rentra dans l’intérieur de la ville en ayant soin d’éviter la place Jacques Cartier.

— Ce mauvais petit garnement de Joe pourrait bien avoir raison, après tout, se disait intérieurement Lafortune. Il a l’œil ; et il a l’air d’en avoir appris diablement long depuis deux jours. Mais je ne puis pourtant pas attendre que les faux billets soient entrés dans la circulation, avant d’agir. Ma foi, tant pis pour M. Robert Halt ; si je trouve chez lui de la marchandise suspecte ; je le déclare de bonne prise. On verra à s’expliquer après.

Dix minutes plus-tard, Joe entrait dans le magasin de Salo-