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de familles canadiennes chériront pendant longtemps la mémoire de ce saint prêtre qui, le premier a songé à récompenser les services rendues par elles à la nationalité canadienne, en donnant des enfants à la patrie.

Maintenant, pendant que la charité du Père Labelle se déployait sous tant de formes pour servir les intérêts de ses compatriotes, on sait qu’il apportait une négligence extrême aux soins de ses propres intérêts, à son confort même.

On raconte à ce sujet qu’alors qu’il était déjà sous-ministre, un brave homme de protestant, qui demeure à Québec, choqué dans ses idées de convenance officielle, à la vue de la soutane râpée du fonctionnaire, lui fit présent de $30 pour s’acheter une soutane neuve. Le curé était d’un caractère trop noblement fier pour s’offusquer de cette offre pécuniaire. Il accepta cet argent avec toute la simplicité d’un grand chrétien ; seulement, il le distribua aux pauvres et il continua à porter sa vieille soutane.

Le Québecquois dont nous venons de parler, le rencontrant à quelques jours de là, toujours vêtu de la même manière, jura que le curé n’aurait pas le dernier mot. Il commanda donc chez son tailleur une superbe soutane et l’envoya au sous-ministre, le priant de bien vouloir l’accepter.

Mgr  Labelle eût bien voulu donner ce vêtement à quelque prêtre bien moins partagé que lui, sous le rapport des biens terrestres ; mais il n’en connaissait pas un seul qui eût ses formes colossales ; force lui fut donc de garder pour lui sa soutane neuve et de la porter.