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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

les paroles, et non suivant l’intention. » Il était en colère, et il lui reprit le cuir qui était taillé en lui disant : « Fais attention : voici d’autre cuir ; prends une forme et taille-moi des souliers. » Puis il ne pensa plus à cela, car il avait à sortir. Il s’en alla à ses affaires et fut absent environ une heure. Alors il se rappela qu’il avait dit à son garçon de tailler les souliers sur une forme. Il laissa là sa besogne et courut à son logis. Cependant Ulespiègle avait pris le cuir, et le taillait tout sur la petite forme. Quand le maître arriva et vit ce qu’il avait fait, il lui dit : « Voilà des petits souliers ; et les grands ? – Si vous en voulez, dit Ulespiègle, il est encore temps ; je les taillerai après les petits. – Il vaut mieux, dit le maître, tailler les petits après les grands que les grands après les petits ; tu prends une forme et ne t’occupes pas de l’autre. – C’est vrai, maître, dit Ulespiègle ; vous m’avez dit de tailler les souliers sur une forme. – Je t’en dirai tant, dit le maître, que je finirai par aller au gibet avec toi ! » Puis il lui dit de lui payer le cuir qu’il avait gâté, s’il en voulait d’autre. Ulespiègle lui répondit : « Le tanneur peut en faire d’autre ! » Puis il se leva et gagna la porte. Là il se retourna vers le maître et dit : « Si je ne reviens pas chez vous, du moins j’y ai été. » Là-dessus il sortit de la ville.