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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

ta couture. Il faut coudre qu’on ne le voie pas. » Ulespiègle dit oui. Puis il prit son aiguille et son étoffe, se glissa sous un tonneau, attacha sa couture sur son genou et commença à coudre. Le maître était là qui le regardait faire, et qui lui dit : « Que veux-tu faire ? Voilà une étrange façon de coudre ! – Maître, répondit Ulespiègle, vous m’avez dit qu’il fallait coudre qu’on ne le vit pas ; de cette façon, personne ne le voit. – Non, mon cher garçon, dit le maître ; cesse de coudre ainsi, et mets-toi à coudre de façon à ce qu’on le puisse voir. » Cela dura deux jours ou trois. Au bout de ce temps, un soir, le tailleur, étant fatigué, voulut aller se coucher ; il y avait là une casaque de paysan en étoffe grise, que dans le pays on appelait un loup, laquelle était à moitié décousue. Il la jeta à Ulespiègle et lui dit : « Tiens, arrange-moi ce loup comme il faut, et après tu iras aussi te coucher. — Oui, dit Ulespiègle ; allez-vous-en, je le ferai. » Le maître alla se coucher, et ne pensa plus à cela. Ulespiègle prit la casaque et commença à la tailler en forme de loup. Il fit d’abord la tête, puis le corps et les jambes, et mit dedans des baguettes de bois pour tendre l’étoffe de façon à ce que cela ressemblât à un loup, puis il alla se coucher. Le matin le tailleur se leva et réveilla Ulespiègle. En entrant dans l’atelier, il aperçut ce loup debout sur ses pattes. Il en fut étonné, mais il vit bien ce que c’était. Cependant Ulespiègle entra, et le tailleur lui dit : « Que diable as-tu fait là ? – Un loup, comme vous me l’aviez dit. – Je n’entendais pas parler d’un loup pa-