Page:Anonyme - Les Aventures de Til Ulespiegle.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

et il se dit : « Il faut s’arranger de façon à pouvoir passer l’hiver chez ce tanneur. » Il s’engagea chez lui comme garçon. Il y était depuis huit jours, lorsque le tanneur fut invité chez quelqu’un ; il fallait qu’Ulespiègle tannât du cuir dans la journée. Le tanneur lui dit : « Tu prépareras plein le bassin de cuir. – Bien, dit Ulespiègle ; mais quel bois prendrai-je pour cela ? – Qu’as-tu besoin de me faire cette question ? dit le tanneur. S’il n’y avait plus de bois au bûcher, j’aurais bien assez de chaises et de bancs pour que tu puisses préparer le cuir. » Ulespiègle dit que c’était bien. Le tanneur partit. Ulespiègle mit un chaudron sur le feu, et mit le cuir dedans, une peau après l’autre, et fit bouillir le cuir tellement, qu’en le prenant avec les doigts il s’en allait en lambeaux. Pour faire bouillir le cuir, il mit en pièces les chaises et les bancs qui se trouvaient dans la maison, et les mit sous le chaudron, et fit bouillir le cuir encore davantage. Quand cela fut fait, il retira le cuir du chaudron et le mit en un tas ; puis il sortit de la maison, quitta la ville et s’en alla. Le tanneur n’appréhendait rien. Il but tout le long du jour, et le soir il se coucha bien repu. Le matin il lui prit envie de voir comment son garçon avait arrangé le cuir. Il se leva et s’en alla dans la tannerie ; il trouva le cuir ainsi bouilli, et ne vit ni chaises ni bancs dans la maison. Il en fut tout chagrin ; il entra dans la chambre de sa femme et lui dit : « Femme, cela va mal ! Je suis sûr que notre nouveau garçon était Ulespiègle, car il a l’habitude