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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

Au lieu de cela, il alla s’entendre secrètement avec la femme d’un potier qui se tenait au marché pour vendre des pots de terre. Il lui paya toute sa marchandise, et convint avec elle de ce qu’elle aurait à faire quand il lui ferait signe. Puis il retourna auprès de l’évêque, et feignait d’avoir été à l’église. L’évêque recommença ses railleries. Bientôt Ulespiègle lui dit : « Gracieux seigneur, venez avec moi au marché ; il y a là une femme qui vend des pots de terre. Je parie avec vous que, sans m’entendre avec elle, sans lui parler, je ferai qu’elle prendra un bâton et qu’elle cassera elle-même toute sa marchandise. — Je serais bien aise de voir cela, » dit l’évêque ; mais il voulut parier avec lui trente florins que la femme ne le ferait pas. Ulespiègle tint le pari, et s’achemina vers le marché avec l’évêque. Il lui montra la femme et ils s’en allèrent tous les deux à l’hôtel de ville. Ulespiègle se mit à faire des singeries qui devaient, selon lui, porter la femme à casser ses pots. Enfin il fit le signe convenu, et la femme se leva, prit un bâton, et cassa toute sa marchandise, ce qui fit bien rire tous ceux qui étaient au marché et qui virent cela. Lorsque l’évêque fut de retour à son hôtel, il prit Ulespiègle à part et lui dit qu’il fallait qu’il lui expliquât comment il s’y était pris pour faire que la femme cassât ses pots, et qu’alors il lui compterait les trente florins du pari. Ulespiègle lui dit : « Volontiers, gracieux seigneur. » Il lui raconta comment il avait d’abord payé les pots et fait la convention avec la femme, et qu’il n’avait