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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

Or, il y avait à Oldenburg, près d’Einbeck, un bon paysan simple et naïf qui avait un jardin planté de pruniers. Il fit cueillir une charretée de prunes et partit pour les conduire à Einbeck, où se trouvait alors beaucoup de monde, pensant que c’était une bonne occasion pour les vendre. Comme il approchait de la ville, il trouva Ulespiègle couché sous un arbre à l’ombre, lequel avait tant mangé et tant bu à la cour, qu’il ne pouvait plus ni boire ni manger, et qu’il avait plus l’air d’un mort que d’un homme en vie. Quand le bon paysan arriva près de lui, Ulespiègle lui dit d’une voix mourante : « Ah ! mon bon ami, voilà trois jours et trois nuits que je suis là malade, sans que personne vienne à mon secours ; si je dois y rester encore un jour, je mourrai de faim et de soif. Je t’en prie, pour l’amour de Dieu, mène-moi près de la ville. – Ah ! mon bon ami, répondit le paysan, je le voudrais bien, mais j’ai des prunes dans mon tombereau ; si je t’y mets, tu me les gâteras. – Prends-moi, dit Ulespiègle, je me tiendrai sur le devant du tombereau. » Le bon paysan était vieux, et il eut beaucoup de peine à soulever le méchant vaurien, qui se faisait lourd tant qu’il pouvait, et à le hisser sur son tombereau. Quand cela fut fait, il marcha tout doucement pour ménager le malade. Au bout de quelque temps, Ulespiègle retira sans bruit la paille qui recouvrait les prunes, défit ses grègues, et lâcha tout ce qu’il avait dans le ventre sur les prunes du pauvre homme, puis il les recouvrit avec la paille. Lorsque le paysan fut près d’entrer