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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

en ville, Ulespiègle lui cria aussi haut qu’il put : « Arrête, arrête ! aide-moi à descendre de ta voiture ; je resterai ici devant la porte de la ville. » Le brave homme aida le mauvais garnement à descendre de sa voiture, et continua sa route droit vers le marché. Quand il y fut arrivé, il détela son cheval et le conduisit à l’auberge. Il y avait beaucoup de monde au marché, entre autres un individu qui était toujours le premier à marchander ce qui arrivait, bien qu’il achetât rarement. Il s’approcha du tombereau, retira la paille à moitié et se couvrit d’ordure les mains et les habits. En ce moment arriva le bon paysan revenant de son auberge. Ulespiègle s’était déguisé et arriva d’un autre côté, et dit au paysan : « Qu’as-tu apporté au marché ? – Des prunes, répondit le paysan. » Ulespiègle lui dit : « Tu as fait un tour de vaurien : tes prunes sont couvertes d’ordure ; on devrait te bannir du pays, avec tes prunes. » Le paysan regarda dans son tombereau ; il vit que c’était vrai, et dit : « J’ai trouvé à quelque distance de la ville un malade qui ressemblait à l’homme que voilà, excepté qu’il était vêtu autrement ; je l’ai porté pour l’amour de Dieu jusqu’à la porte de la ville ; c’est cette affreuse canaille qui m’a fait ce tort. – Ce vaurien mériterait bien d’être battu, » dit Ulespiègle. Le pauvre homme fut obligé de conduire ses prunes à la voirie, et ne put les vendre.