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les langues et les nationalités au canada

vençal. Il ne paraît pas qu’il y ait réussi beaucoup, puisque les Basques parlent encore leur langue, comme le faisaient leurs ancêtres il y a mille ans.

À l’Ouest du pays de France, dans la presqu’île armoricaine, le peuple breton parlait sa vieille langue celtique, alors que la langue française était encore en formation. Mais, à mesure que celle-ci se formait et se développait, elle gagnait peu à peu sur le breton. Cet envahissement de la Bretagne par la langue française commença bien longtemps avant la réunion du duché de Bretagne au royaume de France ; puisque dès le XIVe siècle, dans les diocèses de Nantes, de Rennes et de Saint-Malo, on ne parlait que français et que le breton y était à peu près complètement inconnu. L’union du duché à la France, à la fin du XVe siècle, ne semble avoir ni accéléré ni ralenti ce mouvement, qui s’est continué jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, refoulant lentement le breton vers la côte et dans la presqu’île du Finistère. Puis, au commencement du XIXe siècle, le mouvement s’arrêta brusquement. Pendant tout le siècle dernier, le français n’a pas avancé d’une ligne. Au contraire, des paroisses dont la moitié de la population ne comprenait plus le breton à la fin du XVIIIe siècle, sont redevenues entièrement bretonnantes !

Bien plus, la langue bretonne, qui, depuis longtemps, avait cessé d’être une langue littéraire, parce que les Bretons instruits, même quand ils continuaient à comprendre et à parler leur langue maternelle, n’écrivaient guère qu’en français, est sortie de son long sommeil et, pendant le dernier quart de siècle dernier, a produit des œuvres littéraires vraiment remarquables. On a sorti de l’oubli les anciens poèmes et les anciennes légendes ; des journaux et des revues ont été publiés en breton ; des poèmes, des comédies, des tragédies, des ouvrages de littérature de tous genres ont été composés ; des congrès ont été tenus, des sociétés littéraires se sont fondées. Bref, cette vieille langue semble plus vigoureuse qu’elle ne l’a jamais été.

Et tout cela est l’œuvre de l’administration française, qui a fait les Bretons s’attacher davantage à leur vieille langue, d’abord par sa manie de ne leur envoyer que des fonctionnaires