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L’IMMIGRATION

Cette humeur chicaneuse et insociable de l’élément anglais a donc considérablement retardé l’œuvre de l’unité nationale. Cependant, malgré les fanatiques, si les deux races avaient été laissées à elles-mêmes, par la force même des choses, cette unité aurait fini par se faire : la nation canadienne se serait constituée avec le caractère de nation anglo-française, les restes des anciennes tribus continuant, dans quelques coins, à se servir de leurs vieilles langues, monuments vénérables des anciens temps du Canada.

C’est sans doute pour éviter cet harmonieux résultat que, depuis vingt ans, nos gouvernants travaillent de toutes leurs forces à faire du Canada un babélique chaos. Et ici, dans notre bon pays du Canada, nous assistons à un spectacle pas banal du tout ; je crois même qu’il est unique dans les annales de l’humanité. Aussi, si les résultats sont désagréables, la curiosité du spectacle en compense un peu les inconvénients, surtout pour un observateur de la bêtise humaine, comme moi.

Dans les siècles passés, il y a bien eu des invasions dans les autres pays. En parlant de la formation des nations européennes, j’ai même rappelé le fait que, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, les peuplades les plus diverses s’étaient jetées les unes sur les autres, mêlées et entremêlées dans un chaos indescriptible. Mais nulle part, cette invasion d’éléments étrangers et hétérogènes ne se fit sur la demande des gouvernants des pays envahis. Au contraire, ils firent tout ce qu’ils purent pour l’empêcher, et, s’ils durent la subir, ils ne la provoquèrent pas.

Mais, autant les gouvernants des autres pays ont fait d’efforts héroïques et consenti de cruels sacrifices pour essayer de repousser les invasions, autant nos gouvernants à nous se donnent de mal et dépensent des sommes fabuleuses pour provoquer l’invasion du pays par les hordes les plus hétérogènes, les moins faites pour s’entendre et les plus incapables de vivre pacifiquement à côté les unes des autres. Je vous avoue que c’est avec le plus complet ahurissement que je contemple le flot montant de cette immigration bariolée, dont nos politiciens ne cessent d’inonder nos régions de l’Ouest. Je me demanderais quel esprit de vertige anime nos gouver-