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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

française est nécessaire au maintien de la nationalité canadienne.

D’abord, il est évident que, tant que le Canada gardera son caractère de nation bilingue, il restera, par le fait même, une nation tout à fait distincte de la nation américaine, qui est unilingue et anglo-saxonisante. Plus le bilinguisme du Canada s’accentuera et plus il sera ouvertement reconnu, proclamé et pratiqué, non seulement à Québec et au parlement fédéral, mais dans tout le pays et par toutes les provinces, moins imminent sera le danger d’assimilation par les États-Unis.

Qu’est-ce qui fait de la Belgique une nation distincte et de la France et de la Hollande, sinon son bilinguisme franco-hollandais ? Et, n’est-ce pas son trilinguisme qui fait de la Suisse une nation distincte et indépendante, entre ses trois puissantes voisines, la France, l’Allemagne et l’Italie ? Si, dans ces deux petits pays, l’une des langues officielles venait à prévaloir et devenait la seule langue du pays, le danger de l’annexion à celui des pays voisins où cette langue est parlée deviendrait imminent. Le bilinguisme et le trilinguisme sont les principaux garants de l’indépendance de la Belgique et de la Suisse. Cela est tellement évident, que pas un homme d’État sérieux n’oserait le contester.

Le cas du Canada est à peu près semblable à celui de la Belgique et de la Suisse, à part qu’il est encore plus facile à assimiler, sa nationalité étant beaucoup moins solidement constituée que celles de ces deux peuples, et qu’au lieu d’avoir à se garder sur deux ou trois de ses frontières, il n’a à se garder que sur une. Par conséquent, quand même la langue française viendrait à dominer au Canada, cela ne ferait courir aucun danger, ni à la suzeraineté britannique, ni à la nationalité du Canada, puisque le pays n’a aucun voisin de langue française qui puisse se l’annexer. Au contraire, sa séparation d’avec son unique voisin n’en serait que plus accentuée et par conséquent son indépendance plus assurée.

C’est ce qu’ont parfaitement compris tous les hommes d’État anglais qui se sont occupés du Canada, après avoir pris la peine de s’instruire du véritable état des choses. Tous ont