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LA SAUVEGARDE DU CANADA

proclamé à l’envie que le maintien de la langue française était absolument nécessaire au maintien du lien qui unit le Canada à la Grande-Bretagne. Un Anglais intelligent, épouvanté du danger de l’américanisation du pays, avait même voulu établir sur la frontière américaine du Québec un barrage de colonies françaises, afin d’empêcher l’envahissement du yankéisme. C’est cette œuvre de sagesse politique et de préservation nationale que les hystériques de Toronto sont en train de détruire.

Malgré que la prédominance de la langue anglaise fasse courir de très sérieux dangers au Canada, nous n’en demandons cependant pas l’abolition. Mais, pour demander l’abolition de la langue française avec autant de fureur, quels effroyables dangers nos francophobes voient-ils donc dans son usage au Canada ? C’est ce que je me suis demandé bien des fois, sans jamais pouvoir trouver de réponse satisfaisante. Sur le sujet, j’ai lu bien des factums de la presse anglaise. J’y ai trouvé des invectives, des injures, des cris, des suppositions de faits inexistants, de fausses représentations, des histoires à dormir debout et rappelant le conte de Barbe-bleue et les histoires de fées dont on effrayait nos jeunes ans ; mais, de raisons véritables, dignes de fixer une minute l’attention d’un homme sérieux, je n’ai pas trouvé l’ombre.

Ce qui semble résulter de leurs déclamations et exclamations, c’est qu’ils sont hantés de la crainte que la France ne veuille reprendre le Canada. Un tel soupçon, de ce temps-ci surtout, n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus délicat, ni pour la France, ni pour l’Angleterre. Mais la délicatesse et nos Bostonnais n’ayant jamais passé pour faire très bon ménage, passons. L’expression d’une telle crainte dénote ou une insigne mauvaise foi, ou une ignorance absolue des sentiments de la France et du Canada français. En France, personne ne pense plus, depuis longtemps, à aller délivrer les Canadiens-français. Depuis le traité de Paris, je crois même que personne n’y a songé sérieusement. Actuellement, on y pense d’autant moins que l’on sait parfaitement que jamais les Canadiens-français ne voudraient être délivrés. Ceux-ci, en effet, tout en aimant leur ancienne mère-patrie, et en lui res-